« Je peux marcher là ? », « si je me tiens à cette barre, il n’y a pas de risque ? ». Une forme de fébrilité et d’excitation s’empare toujours de celui qui monte pour la première fois à bord d’un bateau de course. Les partenaires de Captain Alternance n’échappent pas à la règle et évoluent avec précaution sur le monocoque. « C’est du solide », les rassure Thomas.
Réunie dans le cockpit, la petite assemblée observe son nouvel environnement avec curiosité. « Vous vous trouvez là où nous avons passé l’essentiel de la course », précise Kéni amenant chacun à envisager quatorze jours dans un volume aussi réduit. Drisse, écoute, balancine… Le skipper présente les différents bouts et leurs fonctions. Benoît poursuit avec la description des huit voiles. « Chacune couvre un angle et une force de vent. Chaque changement de voile doit être bien réfléchi, car il fait perdre momentanément de la vitesse. » Les 200 mètres carrés du spi impressionnent.
Invités par l’équipage, certains s’aventurent dans l’espace de vie et s’étonnent d’y tenir debout. À l’extrémité du bateau, le caractère spartiate du couchage suscite la perplexité. « Nous dormons sur un gros coussin que nous déplaçons selon les conditions météo. L’objectif est de toujours optimiser la répartition du poids dans le bateau. Le matossage, c’est-à-dire le déplacement des 300 kilos de matériel, fait partie du quotidien », explique Thomas. « Nous faisons des quarts de 90 minutes, complète Benoît. Pendant que l’un dort, l’autre est à la barre et le troisième en veille. »
La présentation d’un repas typique, à base de produits lyophilisés, ne développe aucun appétit. « Les fabricants ont pourtant amélioré et diversifié leur offre », assurent les trois marins. Si Thomas est le seul à avoir apprécié le cassoulet en guise de petit-déjeuner, le saucisson quotidien a mis tout le monde d’accord. Toilette de « chat », tri des déchets, hydratation, soin des blessures… les skippers partagent une vision très concrète de leur vie au large. Lorsque les terriens parlent de contraintes, les marins préfèrent évoquer l’adaptation et la recherche de solutions.
L’évolution des Class40 au cours de ces dernières années mène l’audience à s’interroger sur le devenir de monocoques touchés par l’obsolescence. Les marins reconnaissent qu’il y a là une vraie problématique à laquelle le milieu nautique est de plus en plus sensible. « La course à la performance ne peut se faire au détriment de l’environnement, nous en avons tous conscience, souligne Kéni. La construction du premier Captain en résine recyclable s’inscrivait précisément dans cette démarche. Nous cherchons encore un équilibre entre ces deux impératifs : être le plus rapide et le moins impactant sur notre environnement. »
À l’origine du projet Captain Alternance, il y a un jeune homme, Kéni Pipérol et une association, Walt. Le premier rêve de course au large, la seconde promeut l’alternance auprès de tous les publics. Agnès Domenech, déléguée générale de Walt, revient sur trois années d’engagement mutuel.
Casquette estampillée « TQSM » sur la tête, mascotte de Walt à proximité, guide du Routard de l’alternance à portée de main, Agnès Domenech ne se départit pas de son sourire pour évoquer Captain Alternance et son skipper principal. « Nous avons noué avec Kéni une relation de qualité. Un projet d’une telle envergure ne peut se faire sans une confiance partagée. Kéni n’est pas seulement un incroyable compétiteur, c’est aussi un jeune avec une personnalité attachante. Quel que soit son interlocuteur, il emporte l’adhésion. On le voit aussi à l’aise avec les enfants qu’avec une ministre ! »
Le projet « Captain Alternance » fait aussi l’unanimité auprès des acteurs avec qui Agnès échange au quotidien. « L’objet social de Walt, c’est de ne laisser aucun jeune sur le bord du chemin. Captain Alternance est un projet en cohérence avec cette ambition. Kéni n’est pas seulement un symbole, il embarque avec lui des valeurs et un message qui parlent à tous les jeunes que nous cherchons à atteindre. Nous avons également des retours très positifs des milieux maritime et institutionnel. »
Pour la saison à venir, Walt continue logiquement de soutenir Kéni. « Les entreprises accompagnent les alternants tout au long de leur formation. De la même façon, nous souhaitons être aux côtés de Kéni pour qu’il se construise un beau palmarès. C’est une ambition au long cours ! » La déléguée générale de Walt tient à rappeler le rôle déterminant des partenaires dans le chemin déjà parcouru. « Sans eux, le projet n’aurait pas vu le jour. Leur implication au cours des trois dernières années nous permet de continuer à y croire. »
Entretien croisé d’Éric Routier, vice-président du CCCA-BTP, et de Christelle Rozier, administratrice au CCCA-BTP.
Vous découvrez pour la première fois le bateau qui est au centre de votre partenariat avec Walt, quelles sont vos impressions ?
Éric Routier : Je suis impressionné par les qualités sportives, techniques et humaines que mobilise la course au large.
Christelle Rozier : Les hommes comme le bateau sont remarquables ! Croire à un projet c’est une chose, mais le voir concrètement mis en œuvre, c’est particulièrement satisfaisant.
Qu’est-ce qui rapproche Captain Alternance du CCCA-BTP ?
É. Routier : Un chantier, c’est avant tout un travail d’équipe : tout le monde met ses compétences au service d’un projet. La transat en équipage suit la même démarche, puisque chacun œuvre dans un objectif commun. Une construction ou une course répondent aux mêmes impératifs de temps et d’efficacité. Ce sont deux domaines qui impliquent une gestion du temps et de contraintes multiples.
Par ailleurs, les jeunes du bâtiment et des travaux publics ont eux aussi leurs compétitions (Olympiades de la Jeunesse, concours Un des Meilleurs Apprentis de France, compétition Worldskills). Ce sont aussi des épreuves où il faut aller vite et faire bien !
Qu’apporte ce partenariat pour le CCCA-BTP ?
É. Routier : Tout d’abord, il montre à nos jeunes que la construction ne concerne pas que le bâtiment et les travaux publics. Nos métiers permettent d’évoluer dans des domaines extrêmement variés, comme les chantiers navals. Ce projet contribue également à véhiculer des valeurs qui nous sont chères : l’abnégation, le courage, l’endurance, l’engagement, l’humilité.