France compétences : analyse du rapport d'information n°741, fait au nom de la commission des affaires sociales

France compétences : analyse du rapport d'information n°741, fait au nom de la commission des affaires sociales

Le 29 juin dernier, a été enregistré à la Présidence du Sénat un rapport d’information n ° 741 fait au nom de la commission des affaires sociales, par Mmes Puissat et Féret et M. Lévrier, sur France compétences.

Ce rapport se compose de quatre chapitres respectivement intitulés « Le succès mal anticipé de la réforme de 2018 » « responsabiliser les acteurs de la gouvernance nationale et territoriale », « retrouver des marges de manœuvre pour prolonger la logique de la réforme » et « conforter l’établissement France compétences dans son rôle et ses moyens ». En annexe, un bilan complet de l’application de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est fait.

De ce rapport volumineux (plus de 230 pages) portant sur toute l’activité de France compétences, il sera mis ci-après plus particulièrement l’accent sur les développements intéressant de l’activité de la formation en apprentissage des organismes de formation aux métiers du BTP. Ainsi, seront présentés les analyses relatives aux « leviers de régulation et de financement pour la soutenabilité de l’apprentissage », à la « responsabilisation « des acteurs de la gouvernance nationale et territoriale » et la « rationalisation des certifications professionnelles ».  De même, sur les 38 propositions formulées dans le rapport, seules celles ayant trait à ces analyses seront indiquées ci-après.

Ce rapport complète celui de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes de juin 2022 pour une appréhension complète de la situation résultant de la réforme structurelle de 2018.                                                               

1.Les leviers de régulation et de financement pour la soutenabilité de l’apprentissage à actionner

Trois leviers de régulation et de développement de l’apprentissage sont retenus :

• La maitrise du « coût-contrat » ;

• La sécurisation des financements des CFA et le soutien à leur capacité d’investissement ;

• L’adaptation des besoins de prise en charge des apprentis selon les publics et les territoires.

Dans ce chapitre, il est également évoqué la nécessité d’achever la réforme de la taxe d’apprentissage.

a) La maitrise du coût contrat

Après un rappel portant sur la mise en œuvre de la réforme en 2019, un tableau de la situation actuelle (à rapprocher de celui fait par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales de comptes de juin 2022) est dressé :

Le nouvel exercice de détermination des niveaux de prise en charge engagé à partir de la fin de l’année 2021 enrichie des données résultant de l’observation des charges moyennes des CFA collectées grâce à la remontée des comptes analytiques des centres de formation d’apprentis (CFA) au titre de l’année 2020 (recueil des comptes analytiques de 1 659 CFA représentant 94 % des organismes d’apprentissage et 97 % des effectifs d’apprentis) fait apparaître que les charges moyennes pour les diplômes liés aux secteurs de la production sont supérieures aux charges moyennes du secteur des services et qu’elles varient selon la taille de l’organisme de formation et plus précisément un écart d’environ 20 % entre le coût moyen observé (6 600 €) et la moyenne des niveaux de prise en charge (8 350 €).

Écart entre le coût moyen observé et la moyenne des NPEC par niveau de formation

 

Coût estimé observé

Moyenne des NPEC arithmétique

Écart

Moyenne des NPEC pondérée effectif

Écart

Niveau 3

5 370 €

7 310 €

27 %

7 145 €

24 %

Niveau 4

6 650 €

8 710 €

24 %

8 222 €

18 %

Niveau 5

7 060 €

8 590 €

18 %

8 481 €

17 %

Niveau 6

6 700 €

7 940 €

16 %

8 477 €

22 %

Niveau 7

8 030 €

8 730 €

8 %

9 248 €

14 %

Ensemble

6 600 €

8 350 €

21 %

8 176 €

19 %

Source : France compétences

Il est observé que France compétences pourrait modifier la méthode d’élaboration de ses recommandations en supprimant les valeurs planchers pour chaque formation faisant l’objet d’une recommandation tout en maintenant un objectif de convergence au travers d’un mécanisme écartant les valeurs manifestement trop basses ou de la définition d’une valeur plancher générale.  Il est noté que contraindre les branches professionnelles en leur imposant un niveau minimum peut conduire certaines d’entre elles à renchérir leurs valeurs alors que celles-ci permettent d’assurer le financement d’un contrat d’apprentissage.

Il est suggéré que les recommandations prennent mieux en compte l’observation des coûts contrats.  Constatant que France compétences ne peut pas faire diminuer des NPEC convergents entre les différentes branches quand bien même s’ils s’écartent significativement à la hausse des coûts observés, il est suggéré que la capacité pour France compétences de faire baisser la valeur pivot si celle-ci est largement supérieure au coût moyen observé soit donnée. Sur un plan général, il est préconisé l’engagement d’une concertation entre France compétences et les branches professionnelles pour faire évoluer le mécanisme de recommandations, afin d’engager un mouvement général de diminution des NPEC pour les rapprocher des coûts observés pour les CFA.

Il est soulevé qu’il convient de laisser davantage de temps aux branches professionnelles pour faire évoluer les NPEC et mieux les accompagner dans cet exercice, de reporter l’entrée en vigueur des nouveaux NPEC en janvier 2023, de réviser la définition des rôles entre les branches, les opérateurs de compétences (OPCO) et France compétences et de renforcer le dialogue entre France compétences et les commissions paritaires nationales de l’emploi (CPNE).

b) La sécurisation des financements des CFA et le soutien à leur capacité d’investissement

Dans le rapport, il est signalé la nécessité de sécuriser le financement des CFA en cas de départ anticipé de l’apprenti ayant obtenu son diplôme et de prévoir une dérogation au principe du financement prorata temporis.

Il est restitué que les représentants des CFA entendus par les rapporteurs ont fait état d’importants besoins de financement pour l’investissement évalués à 700 millions d’euros en 2022. Il est noté le doublement du nombre d’apprentis et la création de près de 1 500 CFA depuis la mise en place de la réforme, ce qui invite selon les rapporteurs à réévaluer les montants des enveloppes régionales.

Il est également constaté que le financement de l’apprentissage au « coût-contrat » ne prend en compte que les charges d’amortissement des investissements des CFA n’excédant pas 3 ans. Également ici, il est fait état des propos des acteurs de l’apprentissage entendus par les rapporteurs, dont des représentants de CFA, de branches et d’OPCO, lesquels considèrent que la borne fixée à 3 ans n’est ni lisible ni justifiée. Les rapporteurs considèrent que les NPEC devraient inclure les charges d’amortissement pour une durée maximale de 5 ans afin de faciliter la comptabilisation des charges d’amortissement pour les gestionnaires de CFA et soutenir les capacités d’investissement dans les CFA, sans remettre en cause la vocation des NPEC à financer le fonctionnement de l’apprentissage.

c) L’adaptation des besoins de prise en charge des apprentis selon les publics et les territoires

Trois idées sont avancées :

• Mettre en cohérence la prise en charge des frais annexes à la formation des apprentis. Les rapporteurs expriment le regret d’absence de vision exhaustive sur la prise en charge de ces frais. D’où, la suggestion que dans le cadre d’échanges entre France compétences et les régions, soit effectuée une revue de la prise en charge des frais annexes par les OPCO et par les régions afin d’envisager les moyens d’améliorer et de mettre en cohérence ces aides (montants, périmètre, etc.) ;

• Renforcer l’accompagnement des apprentis en situation de handicap. Les rapporteurs constatent que malgré l’ensemble des mesures prises depuis 2018 en vue de favoriser l’accès à l’apprentissage des personnes en situation de handicap, la part de personnes handicapées parmi les nouveaux entrants en apprentissage stagne depuis 2015 autour de 1,1 %. Ils notent qu’après une progression en 2020 (1,3 %), ce taux a diminué en 2021 (1,2 %). Aussi, considèrent-ils d’une part, que le ministère du travail doit s’assurer du déploiement effectif des référents handicap dans les CFA et de l’application de la majoration du NPEC des contrats d’apprentissage par les OPCO et d’autre part, que les conseils régionaux, au titre de leur soutien aux CFA par la majoration du NPEC pourraient soutenir les organismes de formation accueillant des apprentis handicapés, au titre de leur l’enveloppe financière consacrée au fonctionnement en raison de sa sous-consommation ;

• Mieux identifier les besoins spécifiques des territoires d’outre-mer.

d) Achever la réforme de la taxe d’apprentissage

Trois axes d’action retenus dans le rapport :

• Étendre le champ des redevables de la taxe d’apprentissage. Les rapporteurs font observer qu’au titre des salaires versés en 2020, selon les déclarations des OPCO (arrêtées au 30 avril 2021), le montant collecté de taxe d’apprentissage est de 2,7 milliards d’euros et qu’en 2020, la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA), deuxième source de financement de l’apprentissage, a été versée par près de 4 009 entreprises pour un montant global de 184,8 millions d’euros, le montant total de ces recettes étant loin de couvrir les besoins de financement de l’alternance (10 milliards d’euros en 2022 selon les dernières prévisions de France compétences). Ils estiment que de ce fait le champ d’application de la taxe d’apprentissage doit être ajusté : révision des exemptions reposant sur des critères géographiques, de secteur d’activité ou de catégorie une fois évalués les impacts de cette révision sur les acteurs économiques et les territoires concernés

• Préciser les règles d’utilisation du solde de la taxe d’apprentissage. Après avoir retracé les dernières évolutions législatives affectant ce dispositif devant entrer en application à compter du 1er janvier 2022 (collecte du solde par les URSSAF, gestion et affectation des fonds par la Caisse des dépôts et consignations), les rapporteurs indiquent que les services du ministère du travail leur ont fait savoir que le produit du solde qui sera collecté en 2023 pouvait être estimé à 480 millions d’euros, avant déductions possibles et au regard des premiers mois de collecte de la part principale de TA par les Urssaf. Ils remarquent que l’objectif de ce nouveau mécanisme d’affectation est d’assurer la répartition totale des sommes dues au titre du solde de la taxe d’apprentissage, ce qui n’était pas le cas actuellement, une meilleure traçabilité des fonds et une plus grande équité dans leur répartition. Les rapporteurs expriment le souhait que le nouveau système d’affectation du solde soit l’occasion d’élaborer des règles claires d’utilisation des fonds par les organismes bénéficiaires ;

• Limiter la contribution des entreprises au financement des formations en apprentissage bénéficiant d’autres ressources publiques. Les rapporteurs rappellent que la loi du 5 septembre 2018 a ouvert la possibilité de moduler les NPEC lorsque la formation bénéficie d’autres sources de financement public, en fonction de critères et selon un montant déterminés par décret et qu’à ce jour, cette telle modulation n’a pas été mise œuvre. Une réflexion nuancée est faite à ce sujet.

En effet, les rapporteurs notent qu’en cas d’accueil de publics mixtes (élèves ou étudiants et apprentis, les charges de structure (locaux, équipements, services généraux) et parfois d’enseignement étant partagés au profit des étudiants et des apprentis, le coût de la formation est par conséquent réduit comparativement à celui pour apprenti inscrit dans un CFA privé mais que l’accueil d’apprentis dans un établissement d’enseignement secondaire ou supérieur nécessite des dépenses dites « d’ingénierie pédagogique » pour aménager le parcours de formation aux spécificités de l’apprentissage (emploi du temps, enseignants spécifiques dans certains cas, équipements, plateaux techniques, relations avec l’entreprise où travaille l’apprenti, etc.).  Il n’en demeure pas moins selon eux que les décomptes visant à limiter les doubles financements sont mal définis et que la mutualisation des coûts de structure conjuguée à l’atténuation des charges pour les organismes publics est de nature à créer une différence de traitement selon que le CFA bénéficie ou non de financements publics en complément de la prise en charge au contrat. C’est pourquoi ils considèrent opportun d’évaluer précisément les coûts et les sources de financement des organismes bénéficiant à la fois de la prise en charge au contrat et d’autres financements publics. L’objectif étant la modulation du coût-contrat lorsque la formation par apprentissage bénéficie d’autres sources de financement public.

Les 10 propositions relatives à ce développement

1.Supprimer les valeurs planchers fixées par France compétences dans ses recommandations pour la détermination des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage

2. Engager, en concertation avec les branches professionnelles, un mouvement général mais non uniforme de baisse des niveaux de prise en charge afin de les rapprocher des coûts observés

3. Reporter à janvier 2023 l’entrée en vigueur des nouveaux niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage

4. Optimiser la répartition des tâches et le dialogue entre les branches, France compétences et les OPCO dans la détermination des NPEC et permettre aux branches de se concentrer sur les certifications relevant de leur cœur de métier

5. Maintenir le financement octroyé par l’OPCO aux CFA jusqu’à la fin du contrat initialement prévue en cas de rupture anticipée du contrat au motif de l’obtention du diplôme ou du titre préparé

6. Faire varier le montant des enveloppes régionales de soutien aux CFA selon l’évolution du nombre d’apprentis

7. Intégrer aux NPEC les charges d’amortissement des investissements jusqu’à 5 ans, hors immobilier, et inclure ces charges à la comptabilité analytique des CFA

8. Soutenir les CFA accueillant des apprentis handicapés par le biais de l’enveloppe allouée aux régions permettant de majorer les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage

9. Assujettir à la taxe d’apprentissage tous les employeurs de droit privé susceptibles d’accueillir des apprentis, en concertation avec les employeurs et suivant un calendrier d’application progressif

10. Appliquer une modulation du coût-contrat lorsque la formation par apprentissage bénéficie d’autres sources de financement public

2. La responsabilisation des acteurs de la gouvernance nationale et territoriale

Le sujet de la responsabilisation des acteurs de la gouvernance nationale et territoriale est traité sous deux volets : à la recherche d’un « espace stratégique » et une organisation à rapprocher des territoires et des entreprises.

Le volet « à la recherche d’un « espace stratégique » est traité sous 3 aspects : les malentendus à dissiper en matière de gouvernance, la responsabilisation des acteurs sur les équilibres financiers, et l’association des branches professionnels à la gouvernance.

Les rapporteurs déclarent que les malentendus sont à dissiper en matière de gouvernance sont au nombre de 3.

Le 1er malentendu porte sur le conseil d’administration de France compétences, opérateur de l’État disposant de « compétences d’attribution et non pas de capacités d’initiative » lequel est moins une instance de décision qu’un espace d’information et d’échanges. Ils estiment que la proposition d’une redistribution plus équilibrée des voix des membres du conseil d’administration et des commissions spécialisées entre les différents collèges préconisée dans l’accord-cadre national interprofessionnel (ACNI) du 14 octobre 2021 n’est pas suffisante ; pour eux, le rééquilibrage passe prioritairement par une clarification des rôles respectifs du conseil d’administration et des autres instances. Toutefois, ils jugent qu’à plus long terme, « si le financement de la formation professionnelle devait évoluer, il pourrait être opportun de réviser en conséquence la pondération des voix et les règles de majorité au sein du conseil d’administration ». Les rapporteurs préconisent également l’association plus systématique les principaux acteurs de la formation professionnelle, y compris les partenaires sociaux, à la définition des objectifs et des orientations stratégiques pour les atteindre, sous la forme de réunions avec le ministre chargé de la formation professionnelle.

Le 2ème malentendu à dissiper en matière de gouvernance pour les rapporteurs est relatif à l’assemblée générale de France compétences dont le rôle est qualifié large et dénué de nature décisionnelle. Les rapporteurs estiment que le « rôle de cet organe réunissant un ensemble élargi de parties prenantes pourrait être renforcé et davantage institutionnalisé ». Ils suggèrent que l’assemblée générale débatte, sur la proposition du délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), des priorités et des orientations stratégiques, de la trajectoire pluriannuelle définies par l’État après concertation avec les partenaires sociaux et qu’une fois présentées à l’assemblée générale, ces orientations pourraient constituer un cadre pour les délibérations du conseil d’administration, notamment en matière budgétaire.

Le 3ème malentendu à dissiper en matière de gouvernance se rapporte aux commissions spécialisées qui sont à renforcer. Il est rappelé que le conseil d’administration de France compétences a mis en place 3 commissions spécialisées dont le rôle est d’instruire les dossiers relevant de leur champ de compétences et d’apporter au conseil un éclairage sur les sujets relevant de leurs attributions : commission Recommandations ; commission Audit et Finances ; commission Évaluation. Il est signalé que la commission de la certification professionnelle a un statut particulier, sa mission étant définie par la loi. Les retours de personnes auditionnées dont le rapport se fait l’écho conduisent ses auteurs à recommander le renforcement des moyens des commissions en leur fournissant, en tant que de besoin, les données susceptibles d’éclairer le conseil d’administration et en leur permettant d’auditionner les acteurs de la formation professionnelle et de l’apprentissage ou de lancer des missions d’audit sur les actions financées par France compétences, et de remonter plus systématiquement les travaux des commissions aux administrateurs en amont des délibérations.

En ce qui concerne la responsabilisation des acteurs sur les équilibres financiers, les rapporteurs signalent que « les administrateurs de France compétences n’ont pas la possibilité d’opérer des arbitrages budgétaires et doivent composer avec le fléchage réglementaire de certaines dépenses ».  Pour illustrer le propos, les rapporteurs évoquent la fixation du montant de la dotation pour le financement de la formation des demandeurs d’emploi par décret en Conseil d’État, l’absence de marge de manœuvre de France compétences sur les postes de dépenses relevant d’une logique de guichet (dotations à la Caisse des dépôts et consignations pour le financement du compte personnel de formation, CPF, et aux OPCO pour le financement de la section « alternance » au titre de la péréquation interbranches). C’est pourquoi ils suggèrent que le conseil d’administration soit effectivement associé à la régulation financière du système, que le conseil d’administration ait la capacité de délibérer et de se prononcer par un vote sur un budget global, incluant l’ensemble des moyens de financement et des dépenses.

S’agissant de l’association des branches professionnelles à la gouvernance, les rapporteurs notent d’une part, la prise en compte balbutiante des travaux des branches et plus particulièrement des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications (OPMQ), notamment dans les travaux de France compétences en matière de certifications et d’autre part, l’absence des branches dans le fonctionnement de France compétences. Sur ce point, il est constaté que les branches ne sont représentées au conseil d’administration de France compétences qu’au niveau interprofessionnel et que les relations entre France compétences et les branches apparaissent limitées et à sens unique, France compétences s’adressant aux OPCO lorsqu’un dialogue est nécessaire avec les branches. Or, comme le relèvent les rapporteurs, les OPCO « qui sont des outils au service des branches, ne doivent pas effacer ces dernières, qui définissent leurs priorités ». Les rapporteurs proposent que les principales branches soient entendues une fois par an par la commission Recommandations de France compétences sur les orientations stratégiques de leur politique de formation, et qu’un dialogue plus régulier et plus ouvert entre les services de France compétences et les branches professionnelles concernant la procédure de révision des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage soit mis en place.

Le thème de l’organisation à rapprocher des territoires et des entreprises donne lieu à des analyses et des réflexions sur la gouvernance territoriale complexifiée en matière d’apprentissage, de formation professionnelle et d’orientation et sur les ajustements souhaitables du positionnement des OPCO.

Les 10 propositions relatives à ce développement

1.Réunir régulièrement autour du ministre du travail les principaux acteurs de la formation professionnelle, dont les partenaires sociaux, pour la définition des objectifs et des orientations stratégiques pour les atteindre

2. Fixer une trajectoire pluriannuelle de retour à l’équilibre financier du système.

3. Renforcer le rôle de l’assemblée générale de France compétences dans la discussion des priorités et des orientations stratégiques

4. Renforcer les moyens des commissions spécialisées et valoriser leurs travaux en prévoyant une remontée plus systématique au conseil d’administration.

5. Sortir du système des fourchettes pour l’affectation du produit des contributions des employeurs et donner au conseil d’administration de France compétences la capacité de se prononcer sur un budget global

6. Associer les branches aux travaux de la commission Recommandations.

7. Donner aux Crefop l’accès aux études prospectives et aux données leur permettant d’avoir une réflexion stratégique sur les besoins de formation professionnelle à l’échelle du territoire et des bassins d’emploi

8. Donner aux régions la possibilité d’expérimenter des dispositifs en matière de formation professionnelle, sur la base de priorités identifiées par le Crefop, avec le soutien financier de France compétences. Faire remonter au niveau national les résultats de ces expérimentations pour une évaluation et un échange de bonnes pratiques

9. Développer l’implantation territoriale des OPCO à travers une présence opérationnelle et une présence politique sous forme de commissions paritaires régionales

10. Recentrer les OPCO sur leur mission première d’accompagnement des entreprises sur la base de modifications de leur accord constitutif

3. La poursuite de la rationalisation des certifications professionnelles

Les rapporteurs retiennent 2 axes d’action pour la poursuite de la rationalisation des certifications professionnelles :

• Améliorer l’efficacité de la procédure d’enregistrement des certifications professionnelles ;

• Renforcer les passerelles et l’harmonisation entre certifications.

a) Améliorer l’efficacité de la procédure d’enregistrement des certifications professionnelles

Après un rappel des dispositions de la loi du 5 septembre 2018, les rapporteurs soulignent la place particulière tenue par la commission de la certification de France compétences. En effet, instituée par la loi du 5 septembre 2018, la commission de France compétences chargée de la certification professionnelle a un statut qui diffère de celui des autres commissions de France compétences du fait que ses missions sont définies par la loi et que son fonctionnement et sa composition sont régis par un décret en Conseil d’État. Dans le même ordre d’idées, les rapporteurs mettent l’accent sur la procédure d’instruction de la demande de certification : examen de la recevabilité du dossier par France compétences (complétude et licéité de la demande) ; désignation par les services de France compétences d’un instructeur lequel peut demander des précisions ou éléments complémentaires au demandeur ; analyse du dossier par un superviseur, rédaction d’un rapport assorti d’une proposition d’avis et transmission de ce dernier à la commission ; programmation de l’ordre du jour et délibération de la commission de la certification ; vote de chaque membre de la commission sur les dossiers examinés ; approbation par le directeur général de France compétences de la demande sur le fondement de l’avis de la commission ; notification de la décision au demandeur.

Les rapporteurs notent que par ses avis conformes sur les demandes d’enregistrement des certifications professionnelles, France compétences détient une prérogative déterminante pour réguler les certifications reconnues et contrôler ainsi la qualité de la formation professionnelle puisque sans enregistrement des certifications dans les répertoires nationaux, les organismes de formation ne peuvent pas bénéficier des fonds de la formation professionnelle, notamment de ceux du CPF.

Des données chiffrées sont communiquées : en 2020, instruction de 2 100 dossiers ; en 2021, renouvellement intégral des certifications inscrites au répertoire spécifique (RS) et traitement de 1 000 dossiers visant une inscription au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). En 2021, le taux d’acceptation des demandes s’est élevé à 41 % pour le RNCP et à 18 % pour le RS. Ils font état des délais d’examen des demandes de certifications lesquels apparaissent trop longs pour les acteurs de la formation professionnelle ; il est indiqué que le délai moyen de traitement d’une demande d’inscription au RNCP s’est établi à 6 mois en 2021 et que la présidente de la commission de la certification de France compétences a fait savoir que France compétences s’est donné pour objectif de ramener ce délai à 5 mois pour la fin 2022 et entre 3 et 4 mois en 2023.

b) Renforcer les passerelles et l’harmonisation entre les certifications

Les rapporteurs saluent la politique de structuration des certifications en blocs de compétences. Ils jugent que cette politique a pour effet : d’améliorer leur lisibilité et l’harmonisation entre les certifications, les blocs de compétences étant susceptibles de se retrouver dans des certifications différentes ; de créer des passerelles et des équivalences entre certifications, la validation d’un bloc de compétences par l’obtention d’une certification pouvant être reconnu pour la validation partielle d’une autre formation, ou la validation progressive d’une certification pouvant s’effectuer par blocs de compétences acquis par un parcours de formation ou la validation des acquis de l’expérience (VAE). Il convient, selon eux, de poursuivre le travail consistant à identifier et à présenter des blocs de compétences au sein des certifications, leur souhait étant la mise en place d’une correspondance entre une certification enregistrée au RS et des blocs de compétences appartenant aux certifications professionnelles figurant au RNCP. Plus précisément, ils recommandent qu’un travail de développement des passerelles soit engagé entre les branches professionnelles et les ministères chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur afin d’identifier les correspondances et équivalences entre les diplômes et les titres à finalité professionnelle.

Le développement des certificats de qualification professionnelle (CQP) contribue, pour les rapporteurs, au renforcement des passerelles et à l’harmonisation des certifications. En fait, ils estiment que la logique de passerelles entre les certifications invite à développer les CQP interbranches, dits « CQPI », définis comme outil utile à l’évolution et à la mobilité professionnelle, car répondant à la logique d’organisation des certifications en blocs de compétences.

Un développement consacré aux commissions professionnelles consultatives (CPC) parachève cette partie du rapport. En effet, leur harmonisation est préconisée sous la responsabilité de France compétences, compte tenu de son expertise en matière de certifications professionnelles, une fois consigné le regret de certains partenaires sociaux que certaines CPC demeurent à la main des ministères et ne soient pas un véritable lieu de concertation pour engager la création ou la révision de diplômes ou de titres à finalité professionnelle et fait le constat que le périmètre et le fonctionnement des CPC sont très variables et les procédures et critères d’examens peuvent différer d’une CPC à l’autre.

Les 4 propositions relatives à ce développement

1.Poursuivre la réduction des délais de traitement des demandes d’inscription des certifications aux répertoires nationaux pour atteindre, à compter de 2023, un délai moyen de 3 mois et fixer un délai maximum de 6 mois pour répondre aux demandes

2. Développer les certificats de qualification professionnelle (CQP) interbranches

3. Permettre que des CQP puissent être obtenus par apprentissage

4. Donner à France compétences un rôle d’harmonisation des procédures de certification afin de créer un corpus commun de méthodes et de règles de fonctionnement aux CPC

Pour en savoir plus

Rapport d’information n ° 741 enregistré à la Présidence du Sénat le 29 juin 2022, fait au nom de la commission des affaires sociales, par Mmes Puissat et Féret et M. Lévrier, sur France compétences – Modèle pour la frappe des Rapports Parlementaires (senat.fr)

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La veille juridique Tendances BTP : Point sur la réforme de la formation : focus sur le coût contrat

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