Ce rapport se base sur une méthodologie mixte. D’abord, un travail de recherche de statistiques a été réalisé pour quantifier les ruptures en Île-de-France, ensuite des entretiens ont été menés pour les qualifier et identifier les pratiques pour les prévenir.
D’après les données de la Dares, la tendance depuis 2020 est assez stable avec environ 26%[1] des contrats rompus au niveau national. Cependant, une autre publication de la Dares montre qu’en 2022 le taux de rupture au cours des neufs premiers mois du contrat est de 21%[2] ce qui équivaut à 2 points de plus qu’en 2017 et 2018, on observe donc logiquement une corrélation entre la progression de l’apprentissage, qui a lieu depuis plusieurs années, et celle des ruptures de contrat. Par ailleurs, l’étude de la Dares indique que les ruptures sont plus importantes dans les formations de premier niveau de qualification, chez les plus jeunes, dans les plus petites entreprises et dans des secteurs tels que l’hôtellerie-restauration et le BTP.
En ce qui concerne les motifs de rupture, l’étude indique qu’il existe une corrélation entre les motifs de rupture et le profil des jeunes et des entreprises et aussi une corrélation entre la temporalité de la rupture et les motifs qui y conduisent.
La plupart des contrats sont rompus pendant la période probatoire de 45 jours prévue par la loi, cela est particulièrement vrai pour les contrats d’une durée d’un an. Durant ces trois premiers mois, les ruptures sont soit à l’origine de l’apprenti ou de l’employeur. Dans le premier cas, la rupture n’est pas forcément négative puisqu’elle permet à l’apprenti de trouver une autre entreprise qui lui conviendrait mieux ou de corriger son orientation si le métier préparé ne correspond pas à ses attentes. Cependant lors des entretiens, les manques d’encadrement au démarrage et d’anticipation de la relation d’apprentissage de la part de l’entreprise sont évoqués comme des raisons ayant poussé le jeune à rompre son contrat et relatent donc d’une expérience négative. Lorsque la rupture est à l’origine de l’entreprise cela est souvent dû à une déception vis-à-vis des compétences ou du comportement de l’apprenti, mais des cas de sur-recrutement pour finalement ne garder que les apprentis satisfaisant pour l’entreprise ont également été évoqués.
L’étude montre également que lorsque le contrat est rompu entre la première et la deuxième année d’apprentissage, la rupture est souvent à l’origine de l’apprenti avec des raisons dites « stratégiques ». Cela signifie qu’il préfère attendre les périodes de recrutement en fin d’année scolaire pour mettre fin à une relation d’apprentissage qui se passe mal, de manière à ne pas avoir de période d’inactivité dans son parcours ou bien, l’apprenti cherche à changer d’entreprise pour multiplier ses expériences et diversifier ses missions.
De manière générale, nous voyons que la plupart des ruptures sont dues à des problématiques relationnelles entre l’apprenti et son employeur, mais il ne faut pas oublier qu’il existe aussi des facteurs individuels qui sont difficiles à quantifier, mais qui peuvent avoir des incidences sur la relation d’apprentissage. On peut notamment évoquer comme facteurs, le choix de l’apprentissage par défaut pour financer ses études, la difficulté à tenir le rythme d’alternance pour les jeunes sortants de la voie scolaire, les postes non-adaptés aux personnes en situation de handicap ou encore la précarité étudiante qui entraîne des difficultés matérielles et psychologiques pour l’apprenti (éloignement du lieu de travail, démotivation, retards, absences…).
Pour tenter de prévenir ces ruptures des CFA Franciliens ont mis en place des actions aux différentes étapes du contrat d’apprentissage :
Des actions avec un but préparatoire ont été mises en place, comme « Prépa apprentissage » qui permet de vérifier l’orientation et de saisir les spécificités du métier, de la formation et les attentes des entreprises. Les CFA cherchent aussi à renforcer leurs équipes pour accompagner les apprenants dans la recherche d’entreprise, pour les guider sur la posture à adopter en entreprise et leur donner un maximum de connaissances sur la future relation avec leur entreprise, mais aussi pour maintenir un lien avec les employeurs pour anticiper la relation, et les conditions d’accueil des apprentis.
Lorsque le contrat est commencé, le but va être d’entretenir la relation d’apprentissage en maintenant un lien avec le maître d’apprentissage en entreprise pour avoir une démarche d’anticipation et de médiation. Ainsi, en plus des visites d’entreprises, des CFA mettent en place d’autres actions comme des moments d’échanges avec les apprentis, l’intervention de médiateurs ou encore un système d’analyse prédictive pour mettre en lumière des signaux faibles avant-coureurs d’une possible rupture (absences, baisse de notes…). Les CFA cherchent aussi à faire monter en compétences les maîtres d’apprentissage dans leur rôle de tuteur et cherchent à apporter des réponses aux freins périphériques pouvant entraîner des ruptures.
Enfin, lorsqu’une rupture n’a pu être empêchée, les CFA vont tout mettre en œuvre pour replacer l’apprenti dans une nouvelle entreprise. Pour ce faire le but va être de toujours garder le lien avec l’apprenti en lui proposant des interlocuteurs et des ateliers pour l’aider dans sa recherche d’une nouvelle entreprise. En Île-de-France, les acteurs de l’apprentissage s’appuient également les uns sur les autres pour tenter de piloter ces ruptures. Cependant, cette démarche n’est pas encore optimale et pourrait être perfectionnée si un outil de pilotage était mis en place. Des supports d’information et de communication à destination des apprentis et de leurs familles peuvent aussi être mis en place pour qu’ils soient au fait des actions qu’ils peuvent mener en cas de rupture de contrat.
Sources :
Rupture des contrats d’apprentissage en Île-de-France, Etude Institut Paris Région, septembre 2024 – Etude complète
Rupture des contrats d’apprentissage en Île-de-France, Etude Institut Paris Région, septembre 2024 – Synthèse de l’étude
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