Questions à Jean Clénet, enseignant chercheur : « Offrir un parcours de compétence, c’est offrir un parcours de vie ».

Questions à Jean Clénet, enseignant chercheur : « Offrir un parcours de compétence, c’est offrir un parcours de vie».

Professeur des Universités à Lille 1 (CUEEP) jusqu’en 2013, il a créé l’IUP des Métiers de la formation et codirigé en 2008 le CIREL (Centre Inter-universitaire de Recherches en Éducation de Lille). Ses recherches concernent l’alternance et la professionnalisation des jeunes et des adultes. Il était le grand témoin de l’atelier « Offrir un avenir professionnel et assurer la montée en compétences des apprenants » piloté par le CCCA-BTP.

 

Quel regard portez-vous sur le thème de la 17e UHFP « La compétence à la portée de tous » ?

Offrir un parcours de compétences, c’est selon moi offrir un parcours de vie. Si le mot compétence n’est pas relié au mot expérience, il n’a rien à faire dans une formation. De même, si le mot avenir n’est pas relié à celui de créer des conditions pour générer de la confiance, il n’a pas de valeur. Nous constatons que l’école en général n’offre pas toutes les conditions de confiance pour les jeunes. On entend beaucoup parler de qualité, mais elle se résume selon moi à la viabilité : qu’est ce qui est viable pour moi, pour les jeunes, pour un adulte ?

 

Face aux nouveaux enjeux, comment les CFA doivent-ils se positionner ?

Les CFA ont un défi de proximité. L’offre de formation est nationale, avec des principes d’universalité, mais chaque organisme de formation est particulier. Il y a des particularités régionales à respecter. C’est le cas de certains matériaux dans le BTP, qu’on utilise dans le Sud de la France et pas dans le Nord. Les nouvelles règles aujourd’hui ne favorisent pas toujours cette proximité. Elles interpellent la professionnalité des formateurs. Ce n’est pas dans l’application de normes qu’on peut faire quelque chose de convenable qualitativement. Le deuxième grand enjeu, c’est de s’interroger sur la « reliance » à faire entre ce que sont les apprentis et les qualités de l’organisation. Que veulent les apprentis aujourd’hui ? Ils souhaitent avoir un sentiment d’utilité, être reconnus et que leur passage au sein de l’organisme de formation se passe dans un cadre relationnel convenable. Ils ne veulent pas être des « arpettes ».

 

Comment voyez-vous le rôle du formateur ?

Les formateurs ne peuvent pas se réfugier dans l’application de savoirs ou de compétences établies qu’ils relayent. Il faut d’abord apprendre à écouter les apprentis avant de leur enseigner. Qu’est-ce que je peux faire de leur parole, de leurs envies, de leurs intentions ? Comment puis-je traduire ça en process pédagogique ? Et puis, il ne faut pas oublier que la base de l’alternance, c’est apprendre des situations… L’apprenant y vit des expériences, des périls, des situations de vraie grandeur, c’est un point important. On constate que les entreprises sont parfois réticentes à laisser l’apprenti faire telle ou telle chose, mais comment fait-on pour former des jeunes s’ils n’ont pas le droit de faire ? Si les dispositifs de formation veulent devenir attrayants, il faut qu’ils deviennent offreur d’avenir pour les apprentis et qu’ils génèrent de la confiance. Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes qui n’osent pas aller vers les CFA, car ils n’ont pas confiance dans ces formations. C’est l’intelligence des concepteurs et des formateurs qui feront la différence.