Les SCOP du BTP : la force du collectif

La deuxième édition de la Semaine de l’entreprise coopérative BTP, organisée par le CCCA-BTP en partenariat avec la Fédération SCOP BTP, se déroule du 27 au 31 mars 2023. Cet événement vise à faire découvrir le modèle de l’entreprise coopérative auprès des apprentis en formation aux métiers du BTP.

Une semaine pour faire découvrir le modèle de l’entreprise coopérative dans le secteur de la construction. Cette deuxième édition pilotée par le CCCA-BTP, organisée en partenariat avec la Fédération SCOP BTP, vise à mieux faire connaître le modèle coopératif auprès des apprentis en formation aux métiers du bâtiment et des travaux publics. Les 600 sociétés coopératives du BTP se mobilisent en région, pour venir à la rencontre des jeunes en formation au sein des organismes de formation aux métiers du BTP, qui souhaitent participer à cette initiative. 

« On peut très bien gagner sa vie dans une SCOP »

La SCOP, Société coopérative de production, n’est pas un statut juridique en tant que tel. Elle peut prendre la forme de SARL, SA, ou SAS, dont les salariés sont les associés majoritaires et le pouvoir y est exercé démocratiquement. Les salariés détiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote. Si tous les salariés ne sont pas associés, tous ont vocation à le devenir.

« Le statut coopératif est encore méconnu. Soit les personnes ne connaissent pas ce modèle, soit elles imaginent que ce sont des entreprises en difficulté reprises par les salariés. Ce n’est le cas que pour 8 % d’entre elles, tous secteurs confondus. Les SCOP sont donc majoritairement des entreprises saines. Parmi les SCOP du BTP, deux tiers ont été créées à la suite de la vente de l’entreprise par le dirigeant à ses salariés au moment de son départ à la retraite. L’autre tiers, ce sont des PME créées ex nihilo. Le partage de la richesse est un autre sujet qui interpelle, car cela ne correspond pas à notre vision entrepreneuriale. En France, quand on crée son entreprise, c’est pour être indépendant et/ou gagner de l’argent. Alors que l’on peut très bien gagner sa vie dans une SCOP. Un dirigeant en SCOP n’est pas moins bien payé qu’un PDG classique. Un salarié en SCOP gagne environ 100 à 200 euros mensuels de plus qu’un employé classique. Enfin, beaucoup de personnes n’identifient pas forcément les SCOP comme des entreprises commerciales confrontées à un marché. »

Jean-Michel Jurquet, secrétaire général à la Fédération SCOP BTP Île-de-France – Centre.

« Étant associés à l’entreprise,
il y a davantage de solidarité et de cohésion entre les salariés »

La SCOP se caractérise également par un partage équitable du pouvoir et des résultats entre les salariés-associés. Chaque associé dispose d’une voix dans les assemblées générales, quel que soit le montant du capital qu’il détient dans l’entreprise. Les informations liées à la vie de l’entreprise circulent en toute transparence et les décisions stratégiques sont l’expression du plus grand nombre. Dans une SCOP, le dirigeant pilote la société au quotidien, comme dans n’importe quelle entreprise, mais il est élu par les salariés-associés. Le partage du profit est équitable : une part pour tous les salariés, sous forme de participation et d’intéressement ; une part pour les associés sous forme de dividendes ; une part pour les réserves de l’entreprise. Impliqués, les salariés sont motivés par ce système de répartition équitable des bénéfices, dont au moins 40 % leur sont distribués.

« Il y a une culture d’entreprise qui est dans l’ADN des SCOP. Comme les salariés sont associés et que leur entreprise leur appartienne, cela crée davantage de solidarité et de cohésion entre eux. Par ailleurs, le partage des richesses renforce le sentiment d’appartenance des individus au sein de la SCOP, notamment en période de difficulté, quand des réserves sont mises en place pour assurer la pérennité de l’entreprise. Cela explique que la SCOP est plus résiliente dans les moments de crise. Toutefois, malgré les atouts de ce modèle, nous devons encore lutter contre certaines idées reçues. La SCOP est une entreprise comme une autre, confrontée aux mêmes réalités économiques. Elle doit avant tout gagner des marchés et être rentable et même davantage encore, du fait que les salariés investissent de l’argent, au risque de le perdre. »

Jean-Michel Jurquet, Secrétaire général à la Fédération SCOP BTP Île-de-France – Centre

Trois questions à…

Jean-Marie Kerherno, président de l’OPPBTP, ancien PDG de la SCOP STPEE (1997 et 2015), chargé de mission Mutualisation à la Fédération SCOP BTP.

Quelles étaient vos priorités quand vous dirigiez la STPEE ?

Je vais d’abord évoquer un conseil que m’a donné mon père, qui a exercé toute sa carrière dans la SCOP Les Charpentiers de Paris et qui l’a dirigée pendant 22 ans. Quand je lui ai annoncé que j’étais pressenti pour diriger la STPEE, il m’a dit : « Ta première mission sera de préparer ta succession ». J’avais trouvé sa remarque un peu curieuse au départ, mais c’est tellement vrai. Assurer la pérennité est un objectif prioritaire pour une SCOP. Il n’y a pas d’actionnaire extérieur. C’est l’argent des salariés qui permet de faire vivre l’entreprise. Ainsi, une de mes missions principales a été de conforter et de fortifier l’entreprise, en mettant en place une structure organisée et claire, avec des outils solides pour l’avenir. J’ai essayé d’insuffler des méthodes de travail et d’organisation différentes, avec des bonnes pratiques, pour assurer la continuité après mon départ. Grâce à la contribution de l’ensemble des salariés, nous avons multiplié les fonds propres par trois. Cela a apporté une pérennité financière et capitalistique à l’entreprise

Quel rapport un PDG de SCOP entretient-il avec ses salariés ?

Les salariés dans une SCOP sont très investis. Ils ont confiance dans le modèle et s’engagent davantage. Dans le cadre de la gouvernance, ce sont eux qui choisissent leurs dirigeants. Le jour de l’assemblée générale, c’est une personne, une voix. Cela crée un véritable esprit collectif, un lien de confiance existe entre le dirigeant et les équipes. C’est une grande force pour la vie de l’entreprise.

Un patron traditionnel aura plus de mal à convaincre ses employés qu’il prend des décisions dans leurs intérêts. Il n’y a pas d’enrichissement personnel dans une SCOP. Diriger une SCOP est exigeant, son organisation oblige à être irréprochable. Nous n’avons pas droit à l’erreur. Ça peut représenter un poids supplémentaire, mais pour moi c’était un moteur.

Comment expliquez qu’il y ait si peu de SCOP en France ?

Le modèle n’est malheureusement pas assez connu. Au collège ou au Lycée, il n’est quasiment pas évoqué, ni dans les écoles d’ingénieurs et de commerce. Souvent, quand j’échange avec des chefs d’entreprises curieux du modèle SCOP, leur motivation faiblit lorsqu’ils comprennent que la gouvernance et la richesse créée sont partagées entre tous. La marche à franchir est haute pour certains ! Ce qu’il faut savoir aussi, et c’est important, c’est qu’une SCOP résiste mieux qu’une entreprise traditionnelle si elle connaît un passage difficile, grâce à ses capitaux propres. Par exemple, STPEE est propriétaire de ses locaux et des terrains sur ses quatre sites et de l’ensemble de ses engins. En cas de période difficile, les investissements seront ralentis, mais le niveau de trésorerie permettra probablement de mieux absorber la tempête. C’est un atout réel. Après, sur le plan des affaires, le fait d’être en SCOP n’apporte pas d’avantage particulier. STPEE est en concurrence avec d’importantes entreprises. En revanche, si nous sommes contraints de proposer un prix bas en cas de forte concurrence, et que c’est dans l’intérêt de la Scop, cette décision sera plus facile à expliquer aux collaborateurs.