Innovation pour les apprentis charpentiers : Oakbot entre en scène

Innovation pour les apprentis charpentiers : Oakbot entre en scène

À l’initiative du CCCA-BTP, à l’issue de six mois d’expérimentation dans quatre centres de formation proposant une filière de formation aux métiers de la charpente, Les établissements qui le souhaitent vont pouvoir intégrer dans leur programme de formation Oakbot, un robot de fraisage portatif à commande numérique, destiné aux travaux de charpente et de la construction bois.

Dès le mois de septembre 2023, dans un certain nombre d’organismes de formation aux métiers du BTP, les apprentis en formation au métier de charpentier auront la possibilité d’utiliser un nouvel outil : Oakbot. Ce robot de fraisage mobile permet d’effectuer sur le lieu même du chantier la taille des éléments de charpente ou de construction bois. Outre qu’il limite ainsi les manipulations et les déplacements de la matière brute, il garantit une haute précision dans les découpes grâce à son pilotage numérique, ainsi qu’un captage des poussières de bois, au plus près de l’usinage.

« La technologie intégrant l’aspect numérique trois axes, avec l’ajout d’un écran de commande de type tablette portative avec programmes préétablis, simplifie son utilisation au maximum, il n’est donc pas nécessaire de passer par la programmation ou dessin sur PC, précise Sébastien Duchêne, responsable de projets pédagogiques innovants au CCCA-BTP. Cela en fait un outil idéal pour les premiers niveaux de formation dans le métier de charpentier permettant une première approche vers la CNC (outil à commande numérique). Il s’agit bien d’amener une plus-value au travail de « l’homme de métier », mais également au formateur au plan pédagogique, qualitatif/productif, sécurité et santé au travail. »

Un processus en quatre étapes

L’intégration de ce robot dans différents CFA proposant une filière bois résulte d’un processus bien structuré et organisé par le CCCA-BTP. À l’origine, c’est lors d’un salon qu’ont été identifiés les principaux atouts techniques et numériques de cet équipement, qui est produit en France. Deux CFA ont bénéficié d’une demi-journée de démonstration, au vu des retours probants des apprentis, de leurs formateurs et des maîtres d’apprentissage, une expérimentation plus large a été lancée au mois de septembre 2022.

Durant six mois, quatre établissements aux profils différents (taille, situation géographique, filières de formation aux métiers du bois) ont intégré l’outil dans le parcours de formation des apprentis, via une location prise en charge par le CCCA-BTP. L’objectif était d’évaluer la pertinence technique d’Oakbot et de déterminer son efficacité sur les scénarios pédagogiques. BTP CFA Landes (Morcenx), BTP CFA Indre-et-Loire (Saint-Pierre-des-Corps), BTP CFA Allier (Vichy) et le CFA-MFR Métiers du bois de Cormaranche-en-Bugey (Ain) ont consigné leurs observations sur l’utilisation d’Oakbot. Plus de 210 apprentis ont été impliqués dans l’expérimentation, ainsi qu’une trentaine d’entreprises formatrices.

« On peut vraiment se réjouir de cette expérimentation réussie, les acteurs ont su échanger de manière constructive et ont pu interagir avec les différents interlocuteurs, explique Sébastien Duchêne. En effet, cet outil innovant et pédagogique à la fois est capable de réaliser une grande partie des assemblages usuels de charpente de manière précise et avec une méthodologie facile d’accès. C’est donc bien l’aspect confrontation/comparaison des méthodes qui peut être mis en avant auprès des apprentis en formation, surtout pour les niveaux 3 et 4. Il ne s’agit pas de remplacer la connaissance du trait ou du geste manuel de l’homme de métier, mais bien d’éviter les usinages répétitifs chronophages, qui demandent des manipulations coûteuses en matière de santé sécurité au travail ainsi qu’en port de charge. »

Un outil qui rassure

Lors d’un atelier organisé à Paris, début mars, quatre formateurs des établissements de formation impliqués dans l’expérimentation ont échangé sur l’utilisation d’Oakbot et ont partagé leurs retours d’expériences avec le fabricant et son distributeur, en présence du pilote de l’accélérateur pédagogique et l’ingénieur formation en charge de la filière bois au sein du CCCA-BTP. « Les jeunes se sont bien intéressés au programme, explique Sébastien Malleval, formateur charpente au CFA Métiers du bois à Cormaranche-en-Bugey. Un apprenti qui se disait prêt à arrêter sa formation s’est même approprié la machine au point d’en devenir le responsable. Il est intervenu sur deux salons auxquels nous participions. »

« C’est au formateur de bien connaître les apprentis. Il n’y en a pas deux qui ont la même motivation, les uns sont plus geeks, les autres plus manuels. Il y en a donc que l’on mettra plus volontiers sur la machine et d’autres sur les ciseaux », insiste Sébastien Duchêne, responsable pédagogique de projets innovants au CCCA-BTP.

À l’heure où les jeunes réfléchissent à leur orientation professionnelle et qui sont familiers du numérique, « sur les salons, les forums ou lors de journées portes ouvertes, ce robot peut être un argument supplémentaire de recrutement pour les CFA, en montrant l’image d’un établissement innovant », avance Nicolas Goëly, distributeur (SETIN) d’Oakbot. Christian Martinet, formateur en charpente à BTP CFA Allier (Vichy), le confirme : « Nous sommes les seuls en Auvergne-Rhône-Alpes à disposer d’une machine à commande numérique (pour la taille du bois NDLR) et cela constitue une réelle plus-value en termes de recrutement. »

Un argument valorisant sur un CV

Aux nombreuses confirmations apportées lors de cet atelier se sont ajoutées quelques réserves, que le constructeur d’Oakbot, EPUR, a pris en compte. « Les prochaines avancées pour nous, assure Ilias Zinsstag, créateur de l’outil, seront l’adaptabilité des vitesses de rotation du moteur, l’intégration des logiciels de dessin via un langage de programmation universel, mais aussi, en priorité, la modification du diamètre et de la longueur des fraises. Aujourd’hui, la machine est calibrée avec une fraise droite de 20 millimètres de diamètre sur 110 de long. Il faut notamment pouvoir réaliser des mortaises plus petites. C’est une machine qu’on améliore en permanence, grâce aux retours des utilisateurs. »

Le CCCA-BTP va maintenant éditer un guide pédagogique sous la forme d’un « book » synthétisant les conclusions de cette expérimentation, afin d’accompagner les futurs acquéreurs dans l’utilisation de l’outil. Les organismes de formation aux métiers du BTP qui souhaiteront intégrer la machine dans leur atelier bois pourront l’acquérir via un appel à projets du CCCA-BTP dédié aux équipements innovants, qui permettra de financer en partie cet achat.

La location du robot peut n’être qu’une étape, comme le suggère le responsable de sa commercialisation. « Les CFA pourront le louer pour un an, deux ans ou trois ans et ensuite décider ou non de l’acheter, explique Nicolas Goëly. Louer avant d’acheter présente un intérêt financier, bien sûr, mais cela permet aussi de mener des expérimentations avant de s’engager ». Oakbot ne révolutionne certes pas le métier de charpentier ni la pédagogie qui y prépare, mais il est certain qu’il peut faire évoluer les techniques du métier. Celui-ci fait partie des outils qui peuvent apporter une modalité pédagogique supplémentaire. Les apprentis prendront aussi conscience qu’être formé sur un tel outil peut devenir un argument très valorisant sur leur CV.

« Cet outil peut permettre de rassurer les apprentis en manque de confiance »

Sébastien Duchêne, responsable de projets pédagogiques innovants au CCCA-BTP

« Avant cette expérimentation, nous n’avions aucun doute sur la performance d’Oakbot. Nous n’avons rien découvert sur l’outil lui-même, mais sur ce qu’on peut en faire. Nous pensions qu’il allait être juste une nouvelle modalité de formation, un outil supplémentaire à la disposition des formateurs, mais c’est plus que cela. Les formateurs ont notamment remarqué son impact sur certains jeunes qui restaient en retrait par manque de confiance dans la pratique du geste métier, la précision du trait, la géométrie dans l’espace. La machine occulte tous ces éléments et met ces jeunes-là en réussite assez rapidement. À un moment donné, un apprenti jusque-là très discret s’approprie le robot : c’est l’élément fort qui est ressorti de ces expérimentations. Même si, en définitive, c’est toujours l’homme qui détient l’intelligence et détermine le trait, et que la machine ne fait que le tracer. »

« Avant cette expérimentation, nous n’avions aucun doute sur la performance d’Oakbot. Nous n’avons rien découvert sur l’outil lui-même, mais sur ce qu’on peut en faire. Nous pensions qu’il allait être juste une nouvelle modalité de formation, un outil supplémentaire à la disposition des formateurs, mais c’est plus que cela. Les formateurs ont notamment remarqué son impact sur certains jeunes qui restaient en retrait par manque de confiance dans la pratique du geste métier, la précision du trait, la géométrie dans l’espace. La machine occulte tous ces éléments et met ces jeunes-là en réussite assez rapidement. À un moment donné, un apprenti jusque-là très discret s’approprie le robot : c’est l’élément fort qui est ressorti de ces expérimentations. Même si, en définitive, c’est toujours l’homme qui détient l’intelligence et détermine le trait, et que la machine ne fait que le tracer. »

« Automatiser pour gagner en qualité »

Ilias Zinsstag, cofondateur d’EPUR, fabricant du Oakbot

« Nous sommes trois associés, tous venus du bâtiment. C’est notre pratique du métier qui nous a donné l’idée de ce robot. Un jour, en 2013, nous avons dû intervenir sur un chantier, où il fallait produire 70 pièces de bois identiques. Où était le plaisir ? On s’est dit qu’il fallait pouvoir automatiser ce genre de travail pour gagner en qualité, en confort, en sécurité. Se libérer de tâches répétitives au profit de tâches plus nobles. On a développé un premier prototype de robot en bois, puis financé un brevet et une étude technique, grâce à un concours d’entreprise. Sept ans après, nous employons 22 salariés et nous avons mis une centaine d’Oakbot en service en France, dont 75 vendus en 2022. Nous sommes basés dans l’Aude, entre Perpignan et Carcassonne, sur quatre sites, que nous allons bientôt regrouper en un seul. Ma fierté, étant issu du milieu rural, c’est aussi de participer au développement d’un territoire qui perdait ses habitants, ses commerces, ses administrations. »