Innovation : un « pitch inversé » pour trouver les bonnes solutions

Innovation : un « pitch inversé » pour trouver les bonnes solutions

En partenariat avec le CCCA-BTP et son incubateur WinLab’, la FFB Île-de-France Est a permis à quatre chefs d’entreprise seine-et-marnais d’exposer un problème à résoudre à des start-up porteuses d’approches novatrices. Une formule inédite qui a séduit.

Habituellement, ce sont les entreprises proposant leurs services qui « pitchent » devant leurs prospects, détaillant leur savoir-faire avec objectif de les convaincre. Et s’il était plus efficace d’inverser les rôles, s’est dit un jour Stéphane Sajoux, président de la Fédération française du Bâtiment Île-de-France Est ? Son idée a cheminé trois ans avant de se concrétiser dans une matinée de « pitchs inversés », organisée le 21 mars dernier au cœur du pôle universitaire de Champs-sur-Marne.

La rencontre était conçue pour aider des TPE-PME locales ayant « un caillou dans la chaussure ». Côté scène, donc, quatre entrepreneurs du bâtiment de Seine-et-Marne sont venus exposer, en sept minutes chrono, un problème spécifique nuisant à la bonne marche de leur structure. Besoin de fluidifier les temps de formation des salariés pour l’un, souci de valoriser son métier pour recruter et fidéliser des jeunes pour une autre, nécessité de développer des procédés inédits d’écoconstruction pour un troisième, volonté de mettre en place une logistique plus douce et plus fluide pour le dernier…

Des start-up attentives et réactives

Comme ces types de difficulté n’affectent pas seulement le secteur du BTP, les quatre pitchs ont facilement interpellé le public auquel ils s’adressaient. Les jeunes sociétés de conseil invitées par la FFB Île-de-France Est, en partenariat le CCCA-BTP et son incubateur WinLab’, couvraient un large éventail de spécialités, des ressources humaines aux technologies de pointe. Cette sélection composée pour l’occasion par le cabinet Impulse Partners s’est révélée pertinente.

Attentives et réactives, les start-up ont, dans un premier temps, par leurs questions ou leurs remarques, aidé chacun des quatre « pitcheurs » à mieux cerner son problème, voire à le considérer sous un nouvel angle. Dans un second temps, lors d’échanges en face à face, ils ont pu préciser quelle approche ils pouvaient éventuellement recommander, décrochant pour certains la promesse d’un rendez-vous. Si ces rapprochements induisent à l’avenir l’introduction de matériaux nouveaux, le recours à des démarches de recrutement inédites, le développement de processus de travail venus d’ailleurs, ils se traduiront évidemment en termes de formation.

« J’ai apprécié la posture des start-up, très ouvertes », confiait en conclusion Séverine Bastard, directrice Innovation et des Coopérations formation initiale et enseignement supérieur à la FFB Île-de-France Est, qui animait les débats avec Olivier Cenille, responsable du développement des partenariats de WinLab’, l’incubateur du CCCA-BTP : « C’est très enrichissant d’échanger avec cet écosystème de personnes qui ont envie et qui vont regarder ailleurs quand on est souvent limité par le quotidien. » L’opération a donné le sourire aux quatre chefs d’entreprise concernés, même si elle initiait pour eux un processus long. Au vu de la satisfaction exprimée par les participants et les organisateurs, le principe du « pitch inversé » sera renouvelé.

« On lève enfin le nez du guidon. »

James Lepatre, entreprise Montelec Service (électricité générale), à Villenoy (77)

« La préparation de mon intervention m’a d’abord obligé à réfléchir au sujet de la fidélisation de mes salariés, que je voulais évoquer. Avant de venir, je me suis donc posé pour échanger avec mes collaborateurs chargés de l’encadrement. C’est là que j’ai constaté que ce problème ne les concernait pas, eux, mais qu’il touchait les salariés impliqués dans la production. Ici, j’ai eu quelques pistes et je vais maintenant faire un retour à mon équipe. Ce pitch inversé est un moment d’échange important, où j’ai réalisé que mon problème se posait aussi dans d’autres métiers, comme la restauration ou l’hôtellerie. Le reste du temps, on a le nez dans le guidon, on n’arrive pas à prendre le recul nécessaire. »

« On prend mieux conscience de ses problèmes. »

Émilie Suray, entreprise Guillo et Guillo Ide, plomberie-chauffage, Meaux (77)

« Je connais bien les problématiques qui se posent au quotidien dans ma propre entreprise, mais le fait d’avoir à les poser par écrit aide à mieux en prendre conscience. Ensuite, le fait de les exposer permet d’inclure les problèmes de tout le monde. En l’occurrence, on a un « turnover » important, on forme en moyenne six apprentis par an et on a des difficultés à les garder dans l’entreprise. Alors que l’entreprise existe depuis quarante ans, on a besoin de faire comprendre aux jeunes et à leurs parents quel savoir-faire on peut leur apporter. Il nous faudrait pour cela des outils en amont, des influenceurs spécialisés ou un YouTube du bâtiment, de quoi s’adresser aux jeunes dès le début de leur formation d’apprenti. La solution est peut-être dans le public réuni ici. »

« On ouvre de nouveaux canaux. »

Jean-Baptiste Fournier, entre AZ-BTP, béton projeté et terrassement, Courtry (77)

« Les métiers du BTP, c’est de l’humain. On a besoin de contact, de s’épancher. C’est donc une chance que de pouvoir faire ce pas de côté, pour voir qui peut nous aider. Le fait d’avoir été coaché avant cette rencontre m’a permis de faciliter le travail. avec ce principe de pitch inversé, je n’ai pas l’impression de plonger dans le vide, mais plutôt d’être mis en lumière. Et surtout, je croise des interlocuteurs que je ne croiserais pas ailleurs. On ne connaît pas les start-up, ils ne nous connaissent pas, on est portés par la curiosité, on ouvre de nouveaux canaux. Ce n’est pas comme si je parlais face à des pairs, ou à des concurrents potentiels qui pourraient me juger. Et puis cet exercice me plaît, car je suis bavard… »

« On est face à des start-ups plus ouvertes. »

Philippe Benquet, entreprise Acorus, entretien et réhabilitation, Croissy-Beaubourg (77)

« Cet exercice permet d’être plus à l’écoute. Les start-up viennent nous voir dans une approche d’ouverture. Alors que, quand ce sont elles qui « pitchent », elles se sentent obligées d’être hyper-focalisées sur ce qu’elles offrent. Sur une dizaine de pitchs que j’ai suivie, je n’avais jamais trouvé de solution qui me convienne. Tandis qu’en nous mettant en avant, nous les entreprises, on nous place en position d’interagir avec nous. Après mon pitch, quatre start-up sont venues me parler. On verra par la suite laquelle trouve le bon angle. »