Le financement de la formation en alternance

Le financement de la formation en alternance

Le 28 juin 2022, la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes ont publié un rapport thématique intitulé « Entités et politique publiques  – La formation en alternance, une voie en pleine essor, un financement à définir ».
Etabli notamment après une enquête pilotée de février à novembre 2021 par une formation commune associant les 3ème et 5ème chambres de la Cour des comptes et cinq chambres régionales et territoriales des comptes (Grand Est, Normandie, Nouvelle Aquitaine, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur), le rapport commun à la Cour des comptes et à ces 5 chambres est constitué de trois chapitres, portant respectivement sur :  l’analyse de la hausse globale des effectifs ; l’étude du financement de l’apprentissage jugé inadapté à la dynamique de l’alternance ; le traitement des limites et risques de la formation en alternance. Il débouche sur 10 recommandations sachant que tout au long du rapport, des préconisations sont faites.

Etant donné la place occupée par la formation en alternance dans les activités des organismes de formation aux métiers du BTP et des enjeux soulevés par le rapport, il importe de bien en appréhender les éléments.

 

1. Quelle est l’analyse de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes au sujet de la hausse globale des effectifs ?

Il est rappelé de façon liminaire que le développement de la formation des jeunes en alternance est un axe fort des politiques d’emploi et de formation professionnelle en France.

En un 1er temps, il est fait une présentation du contrat d’apprentissage et du contrat de professionnalisation, assortie d’une série d’observations sur : l’effet de l’apprentissage sur l’insertion professionnelle, dans l’enseignement secondaire et supérieur ; les différentes modalités d’alternance en Europe ; l’apprentissage en tant que  voie de poursuite d’études pour les jeunes qui souhaitent quitter l’environnement scolaire et réponse aux besoins de recrutement des entreprises ; les enjeux de l’apprentissage pour l’enseignement supérieur. Tout cela pour dresser notamment les deux tableaux suivants :

Années

Nombre d’entrées de jeunes en alternance

Pourcentage

2016

438 000

+ 82%

2021

799 000

 

Entrées

Avant 2018

2019

2020

2021

En apprentissage

Croissance de
+ 5%

Croissance de
+ 15%

Croissance de
+ 42%

Croissance 
de + 39%

En contrat de professionnalisation

Croissance de
+ 10 %

Baisse de 10%

Baisse de 55%

Baisse de 5%

 

Évolution du nombre d’entrées de jeunes en alternance entre 2016 et 2021 (Source : Dares)

Années

Entrées en apprentissage

Entrées de jeunes en contrat de professionnalisation

Total des entrées de jeunes en alternance

2016

289 478

148 311

437 789

2017

305 271

157 762

463 033

2018

321 038

173 439

494 477

2019

368 968

156 552

525 520

2020

526 418

70 388

596 806

2021

731 785 dont 710 297 dans le secteur privé

66 855

798 640

Puis, il est fait observer que si la hausse des effectifs en apprentissage est sensible pour tous les niveaux de diplôme, elle est néanmoins beaucoup plus forte dans les niveaux supérieurs au baccalauréat : augmentation de l’effectif d’apprentis préparant un diplôme de niveau bac+2 de 78 %, alors que le nombre d’apprentis préparant un diplôme de niveau bac+5 et au-delà a été multiplié par plus de 2 et celui des apprentis préparant un diplôme de niveau bac+3 par presque 3 ; « les effectifs préparant des diplômes de niveau CAP ou baccalauréat presque constants entre 2014 et 2019 retrouvent enfin leur niveau de 2013 en 2020 : + 15 % entre 2018 et 2020, soit près de 40 000 apprentis en plus ».

Il est également noté une forte évolution au cours de la période 2016-2020, de la répartition par secteur d’activité des entrées en apprentissage : érosion marquée des secteurs traditionnels, industrie, hébergement-restauration, construction, – 13,5 points, augmentation notable notamment en 2020 des entrées en apprentissage dans le secteur du soutien aux entreprises (+ 5 points) et dans les autres secteurs du tertiaire (+ 9 points).

Enfin, il est relevé un âge moyen en hausse, surtout par érosion des effectifs d’apprentis mineurs. En 2021, 18,8 % seulement des jeunes entrant en apprentissage sont mineurs (soit une baisse de 10 points entre 2019 et 2020 et de 3 points entre 2020 et 2021), la tranche des 18-20 ans et celle des 21-25 ans représentant respectivement 36,5 % et 38,1 % des entrées en apprentissage. La part des apprentis âgés de 26 ans et plus passe de 0,7 % en 2016 à 6,7 % en 2021

2. Quels sont les principaux éléments de l’étude du financement de l’apprentissage ?

Une déclaration liminaire : la réforme de 2018 a profondément modifié le système de financement de l’apprentissage en rapprochant celui-ci du financement des contrats de professionnalisation, sans toutefois prévoir les ressources nécessaires pour accompagner le développement de l’alternance qu’elle visait. D’où, le titre de ce chapitre « Un financement inadapté à la dynamique de l’alternance ». Puis, une analyse comparée du financement de l’apprentissage en Europe laquelle laisse perplexe la réglementation de l’apprentissage, étant différente d’un pays à l’autre, faute de définition commune du cadre juridique de mise en œuvre de ce mode de formation. Un rappel important est fait : la réforme de 2018 et les mesures prises pour faire face à la crise sanitaire ont profondément modifié le schéma de financement de l’apprentissage lequel est constitué de 3 postes principaux, le financement des CFA, les aides publiques versées aux employeurs d’apprentis et celles versées aux apprentis eux-mêmes. En définitive, quel est le constat de la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes ? 10 bilans sont à relever :

2. 1. Absence de consolidation des ressources des CFA et attente de l’analyse définitive des données de comptabilité analytique transmises par les CFA à France compétences en juillet 2021. Sont néanmoins publiées les 1ères données relatives à l’année 2020 disponibles :

Année 2020

Total des produits comptables des CFA

4,4 Md€

(Contre 3,6 Md€ en 2018 dont 3,4 Md€ en provenance des opérateurs de compétences).

Versement des opérateurs de compétences (OPCO) aux CFA et aux établissements gérant des sections d’apprentissage

2,591 Md€

Dépenses des régions

216,5 M€ pour le fonctionnement (dont 83,1 M€ pour les primes aux employeurs)

156,8 M€ pour l’investissement des CFA.

2. 2. Simplification du régime des aides versées aux employeurs d’apprentis. Il est relevé que le coût de l’aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis très élevé pour le budget de l’État : 0,6 Md€ en 2020 et 4 Md€ en 2021. Il est noté qu’entre 2016 et 2021, le coût des aides aux employeurs est passé de 1,9 Md€ à 5,2 Md€.

Aides aux employeurs d’apprentis de 2016 à 2021 en M€

Années

Prime à l’apprentissage et aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire (versées par les régions avec compensation par l’État)

Crédit d’impôt apprentissage

Exonération de cotisations sociales

Aide

 TPE-Jeunes apprentis

Créance des entreprises sur la taxe d’apprentis-

sage au titre du « bonus alternants »

Aide unique pour les employeurs d’apprentis

Aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis

Coût total des aides aux employeurs d’apprentis

2016

285

231

1 217

165

3

1 901

2017

226

213

1 274

198

4

1 915

2018

247

198

1 309

188

1 942

2019

276

180

468

193

221

1 338

2020

83

0

590

1

662

630

1 966

2021

960

214

4 012

5 186

Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2022 et rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (CNEFOP), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences) et données France compétences et DGEFP

2. 3. Remplacement de la plupart des aides dont bénéficiaient les apprentis (exonération d’impôt sur le revenu, dont les modalités sont stables depuis 2015, aides versées par les régions aux apprentis, directement ou par l’intermédiaire du CFA, au titre du transport, de l’hébergement, de la restauration, du 1er équipement, de la mobilité européenne, etc.) par des aides individuelles financées par les OPCO sous la forme de frais annexes aux contrats d’apprentissage (hébergement, restauration, 1er équipement et mobilité internationale). Il est remarqué que ces aides gérées par les CFA ne sont donc plus versées directement aux apprentis. L’aide à l’obtention du permis de conduire financée par France compétences et versée, quant à elle, aux apprentis par l’Agence de services et de paiement (ASP) est signalée.

Aides aux apprentis de 2016 à 2021 en M€

Années

Exonération d’impôt sur le revenu

Aides directes des régions

Aide financière pour les jeunes apprentis

Aide au permis de conduire

Aides financées par les OPCO

Coût total des aides aux apprentis

2016

440

34

474

2017

450

44

543

2018

465

41

506

2019

470

n.c.

13

483

2020

540

 

15

n.c.

555

2021

540

 

23

n.c.

563

*Données prévisionnelles pour 2021

Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2021 et rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (CNEFOP), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences)

 2. 4. Impossibilité d’obtenir des données consolidées pour 2019 en raison du bouleversement de l’organisation du financement. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes publient les données pour l’année 2020 :

• Pour 629 635 apprentis en fin d’année, coût total : 5,4 Md€, avec une évaluation pour l’État, de 2,6 Md€ d’aides, dont 2,1 Md€ au titre des aides aux employeurs et 540 M€ au titre des aides aux apprentis ;

• Les CFA ont reçu 2,5 Md€ de financement des OPCO ;

• France compétences a versé 0,3 Md€ aux régions au titre de leurs compétences résiduelles de financement des CFA (enveloppe de 138 M€ pour la majoration du niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage pour certains établissements dans une perspective d’aménagement du territoire ou de soutien à certaines filières économiques, enveloppe de 180 M€ est destinée au financement des investissements des CFA).

Il est indiqué que selon les 1ères estimations, le coût total en 2021 s’élèverait à 11,3 Md€ : 5,7 Md€ au titre des aides aux apprentis et aux employeurs, 0,3 Md€ au titre des enveloppes régionales, 5,3 Md€ au titre du financement des CFA par les OPCO.

2. 5. Substitution d’un « financement historiquement maîtrisé par les régions à une logique de guichet». Il est noté que les CFA sont financés, depuis la réforme, à l’activité sur la base de niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage élevés, ce qui entraîne une hausse du coût de l’apprentissage.

À ce sujet, la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes observent une détermination des niveaux de prise en charge déterminés sur des bases fragiles. En effet, selon elles, les branches professionnelles ont adopté différentes stratégies : les branches déjà fortement investies dans la gouvernance des CFA ont utilisé les résultats de la comptabilité analytique de leurs CFA et déterminé leurs propositions sur la base du prix de revient estimé des différents diplômes – démarche analytique adoptée par environ un tiers des branches ; d’autres ont travaillé sur la base des coûts de formation en apprentissage publiés sur les listes préfectorales, soit en calculant des moyennes, soit en ne retenant que les coûts associés aux CFA où elles comptaient le plus d’apprentis.

La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes remarquent que selon leur politique de branche, les CPNE ont ensuite appliqué des majorations ou des minorations au coût par diplôme afin d’établir le niveau de prise en charge ; la majoration a pu aller jusqu’à 15 % du coût pour actualiser les coûts historiques, intégrer les nouvelles missions des CFA ou pour les diplômes présentant un intérêt stratégique pour la branche ou nécessitant des équipements pédagogiques onéreux ; la minoration a été opérée par les branches qui souhaitaient promouvoir l’apprentissage dans certains niveaux plutôt que dans d’autres. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes font savoir que globalement, 81 % des branches, couvrant environ 98 % des contrats d’apprentissage, ont proposé en 2019 des niveaux de prise en charge, une quarantaine de branches ne s’est positionnée sur aucun diplôme. De plus, la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes signalent que les branches ont développé 3 types de stratégies au sujet des certifications : des branches ne sont intervenues que sur moins d’une dizaine de diplômes jugés « cœur de métiers » ; d’autres sont intervenues sur leurs principaux métiers, sans se positionner sur les diplômes transversaux ; enfin, certaines sont intervenues de façon très large sur leurs métiers, c’est-à-dire sur l’ensemble des métiers des fonctions support de l’entreprise, soit sur plusieurs centaines de diplômes.

Sur le coup, la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes dressent un bilan de ce 1er exercice de détermination des niveaux de financement des contrats d’apprentissage contrasté ; elles déplorent que l’analyse de France compétences n’a pas permis de fiabiliser les propositions des branches et cela pour 2 raisons principales : manque de connaissance du coût réel des formations, en l’absence d’une analyse préalable approfondie du coût de revient des formations, et manque de temps qui a conduit à retenir une analyse statistique très simple pour déterminer les valeurs de carence et les fourchettes. Elles expriment le regret que France compétences n’ait pas utilisé de comparaisons de coût de revient moyen par type de diplôme et par secteur, ce qui aurait permis, selon elles, d’identifier les valeurs atypiques et de réduire les écarts de niveau de prise en charge, en particulier lorsque peu de branches s’étaient positionnées sur un diplôme.

  1. 6 Augmentation du coût des formations due à la réforme. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes indiquent qu’en appliquant à la nouvelle répartition des effectifs en apprentissage par niveau, le niveau de prise en charge (NPEC) moyen par niveau défini à partir des entrées en 2019, le coût moyen par contrat se situerait à 8 269 € pour les contrats signés en 2020.

 

Évaluation du niveau de prise en charge annuel moyen d’un contrat d’apprentissage selon le niveau de diplôme préparé et la répartition des effectifs en 2019 et en 2020

Niveau de diplôme préparé

NPEC (en €)

Répartition des entrées en 2019

Répartition des entrées en 2020

Niveau 7 et 8

9 093

13 %

17,2 %

Niveau 6

8 259

11 %

17,6 %

Niveau 5

8 950

18 %

21,6 %

Niveau 4

8 291

20 %

16,4 %

Niveau 3

7 129

38 %

25,5 %

Mentions complémentaires

1,7 %

NPEC moyen

8 070

8 070

8 269

Source : juridictions financières d’après données DGEFP (NPEC moyen par niveau) et Dares (répartition des entrées 2020).

La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes relèvent que le surcoût par contrat d’apprentissage peut être évalué à 1 200 € minimum entre 2018 et 2020, soit 17 %. Elles font état de l’analyse réalisée en 2021 par France compétences des données de la comptabilité analytique des CFA de laquelle il ressort que les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage seraient surévalués d’environ 20 % par rapport au coût estimé des formations.

2. 7. Un nouveau modèle économique des CFA dépendant de la dynamique des effectifs. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes considèrent que la réforme a rendu le financement des CFA très fortement dépendant des effectifs d’apprentis, ceux-ci étant désormais très attentifs au « remplissage » des groupes d’apprentis, déterminant pour la couverture des coûts d’une formation. Elles signalent que l’enquête menée en région par les juridictions financières a fait ressortir une nouvelle typologie de CFA : ceux positionnés dans l’enseignement supérieur et le domaine des services qui escomptent une amélioration de leur situation financière ; ceux orientés vers les formations de l’enseignement secondaire et de la production, qui doivent financer des plateaux techniques importants et ont du mal à recruter des apprentis, en particulier en zone rurale.

2. 8. Un cadre juridique pour le financement des investissements insatisfaisant. 2 points sont mis en exergue par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes :

• Le changement des règles de détermination du montant des enveloppes régionales affectées à l’investissement en 2020 ; le montant des enveloppes est désormais fixé en fonction des dépenses d’investissement effectuées par chaque région au cours des années 2017 et 2018, l’année 2019 prévue initialement étant à présent exclue, tout cela aboutissant, selon la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes, du fait de la forte hausse du nombre d’apprentis entre 2018 et 2020 a une réduction de la dotation moyenne d’investissement par jeune : 402 € avec l’effectif 2018, 286 € avec l’effectif 2020 ;

• Si les OPCO disposent d’une ligne de financement de l’investissement, l’accès à cette ligne est restreint pour les CFA du fait que le montant des enveloppes d’investissement votées par les OPCO est assez faible, les investissements sont majoritairement limités aux équipements pédagogiques ; les conditions d’éligibilité sont difficiles à réunir (taux de cofinancement obligatoire, taux d’apprentis dans certaines filières, etc.). En conséquence de quoi, la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes estiment que les établissements privés sont dans une position d’inégalité avec les établissements publics en matière de financement de leurs investissements, l’investissement dans les lycées professionnels et agricoles étant financé directement par la région (hors enveloppe apprentissage attribuée par France compétences).

2. 9. Une analyse préalable insuffisante de la soutenabilité de la réforme et une impasse financière identifiée rapidement. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes indiquent que la soutenabilité budgétaire du financement de l’apprentissage reposait sur 3 hypothèses principales : hausse régulière des recettes de la contribution unique des entreprises à la formation professionnelle et l’alternance due à la hausse de la masse salariale du secteur privé, faible augmentation des entrées en apprentissage (+ 3 % par an), augmentation des dépenses d’apprentissage limitée à 6 % par an, soit une hausse du coût par apprenti limitée à 3 %. Elles estiment que ces 3 hypothèses ont été rapidement et complètement remises en cause. Elles signalent que des risques portant sur la situation financière de France compétences ont été identifiés avant même l’entrée en vigueur de la réforme du financement comme le montre la mission confiée le 18 novembre 2019 à l’inspection générale des finances (IGF) et à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) par le ministre de l’action et des comptes publics et la ministre du travail.

 

2. 10. Le coût total des contrats d’apprentissage excède les capacités actuelles de financement du système. Les 2 tableaux suivants illustrent ce propos :

Prévisions de financement des contrats d’apprentissage

En M€

Engagements

Paiements

2020

2021

2022

2020

2021

2022

Contrats signés avant le 1er janvier 2020

3 194

  

1 989

971

234

Contrats d’apprentissage signés en 2020

4 973

  

528

2 840

1 605

Contrats d’apprentissage signés en 2021

 

7 601

  

1 477

4 431

Contrats d’apprentissage signés en 2022

  

8 210

  

1 560

Total général

8 167

7 601

8 210

2 517

5 288

7 830

Source : juridictions financières d’après données France compétences (engagements et décaissements pour contrats 2020 et antérieurs, engagements 2021 et 2022). Estimation du rythme de décaissement pour 2021 et 2022 de 19 % l’année de l’engagement et de 58 % la deuxième année.

        

 

Estimation de la soutenabilité des entrées en apprentissage (secteur privé) en 2022 dans les conditions actuelles de financement en fonction du nombre d’entrées

En M€ (sauf nombre d’entrées)

Nb entrées 2019

Nb entrées 2020

Nb entrées 2021

Nombre d’entrées en apprentissage

354 368

511 034

710 297

Montant d’engagement

4 701

6 779

9 422

Montant d’engagement – 20 % (ruptures)

3 761

5 423

7 538

Ressource maximale

4 672

4 672

4 672

Ressource maximale – coût d’engagement

911

– 751

– 2 866

Source : juridictions financières – données Dares pour nombre d’entrées

La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes rappellent que conformément à l’article R. 6123-25 du code du travail, l’enveloppe affectée à l’alternance par le conseil d’administration de France compétences peut être comprise entre 55 % et 83 % des contributions des employeurs, déduction faite de l’enveloppe affectée au Plan d’Investissement dans les Compétences, PIC (1,6 Md€), soit un montant maximal de 6,55 Md€. Elles font observer que l’adoption de cette enveloppe pour l’alternance suppose que les autres enveloppes financières de France compétences soient basses, notamment celle du compte personnel de formation (CPF), ce qui est, selon elles, impossible. Elles ajoutent que compte tenu des autres dépenses de la section alternance, le montant disponible pour financer les contrats d’apprentissage et leurs frais annexes dans les conditions actuelles serait limité à 4,7 Md€. Or, selon la consolidation des données des OPCO, le coût d’engagement pluriannuel moyen d’un contrat d’apprentissage a été évalué en 2020 à 12 647 € hors frais annexes et à 13 265 € en incluant les frais annexes (soit un surcoût de 5 %). Dès lors, sous réserve du maintien du coût d’engagement moyen et de l’intégration un taux de rupture de 20 %, la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes considèrent que le système actuel n’est pas en mesure de financer plus de 440 000 nouveaux contrats d’apprentissage, niveau bien inférieur à la réalité des entrées 2020 et 2021.

3. En quoi consiste le développement de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes relatif au traitement des limites et aux risques de la formation en alternance ?

Il est rappelé que les travaux préparatoires à la réforme de 2018 avaient identifié 3 points d’achoppement de longue date de la politique d’apprentissage : stagnation des effectifs dans les premiers niveaux de qualification, gouvernance complexe avec une multiplicité d’acteurs, défaut d’information et d’orientation des jeunes. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes déclarent que ces défis demeurent aujourd’hui. À leur avis, 4 nouveaux risques dans la mise en œuvre de la réforme de 2018 :

  • Un accès toujours limité pour les jeunes d’âge scolaire et pour les jeunes éloignés de l’emploi ;
  • Une inadéquation de l’offre de formation aux besoins des entreprises et des territoires ;
  • Des acteurs mobilisés malgré l’absence de chef de file ;
  • Une complexité administrative pour les principaux acteurs.

3. 1. Un accès toujours limité pour les jeunes d’âge scolaire et pour les jeunes éloignés de l’emploi. 3 illustrations sont données à ce sujet

a/ Depuis 15 ans, diminution de l’apprentissage dans la classe d’âge 16-18 ans : 9,1 % des jeunes de 16 ans et 9,6 % des jeunes de 17 ans étaient apprentis pendant l’année scolaire 2005-2006 ; pour les classes d’âge équivalentes, en 2019-2020, ils ne sont plus que respectivement 5,6 % et 6,7 %.

Part des apprentis dans la population totale des classes d’âge

Âge*

2005-2006

2009-2010

2018-2019

2019-2020

15 ans

1,0 %

2,5 %

2,6 %

2,8 %

16 ans

9,1 %

7,2 %

5,6 %

5,6 %

17 ans

9,6 %

9,2 %

6,7 %

6,7 %

18 ans

8,0 %

6,3 %

7,6 %

8,2 %

19 ans

6,5 %

7,1 %

7,3 %

7,7 %

* Il s’agit de l’âge au début de l’année civile. Sont ainsi classés « 16 ans » pour l’année scolaire 2019-2020 tous les jeunes nés en 2003, qui ont donc en moyenne un peu plus de 16 ans au début de l’année scolaire et 17 ans à la fin de celle-ci. Source : ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Trois éclaircissements viennent étayer ce constat :

• Des élèves de plus en plus jeunes en CAP et baccalauréat professionnel. Il faut noter l’analyse suivante: du fait de la politique de réduction du nombre de redoublements, les élèves arrivent de plus en plus jeunes en fin de classe de 3ème, moment crucial pour l’orientation vers la voie professionnelle et éventuellement vers l’apprentissage. Or, selon la Cour des comptes et les comptes régionales et territoriales des comptes, près de 85 % des jeunes entrent aujourd’hui en classe de 2nde « à l’heure ou en avance », alors qu’ils n’étaient que 60 % en 2005. Cela fait qu’au moment du choix éventuel vers la voie professionnelle, l’élève est plus jeune que par le passé : la part des entrants dans la voie professionnelle ayant 15 ans ou moins a augmenté de 25 % en 2005 à 61 % en 2020. Deux obstacles se présentent alors : l’abaissement de l’âge moyen de l’entrée en 2nde professionnelle ou en 1ère année de CAP se heurte au fait que de nombreux métiers n’autorisent pas le statut d’apprentis avant 16 ans pour des raisons de sécurité ; faute de maturité suffisante, le jeune de 15 ans peut être moins facilement employable par une entreprise ;

• Une attractivité de l’apprentissage moins forte pour les apprentis les plus jeunes et leurs employeurs. 3 facteurs sont avancés : la réforme de 2009 de la voie professionnelle, laquelle en créant le baccalauréat professionnel en trois ans et en faisant progressivement disparaître le BEP, a entraîné un transfert d’élèves d’une formation en 2 ans de niveau 3 (le CAP et le BEP), pour laquelle l’apprentissage est plus fréquent, vers une formation en 3 ans de niveau 4 (le baccalauréat professionnel), où l’apprentissage est moins commun ou plus tardif ; une offre insuffisante ou pas toujours adaptée de contrats d’apprentissage de la part des entreprises ; les souhaits des jeunes qui ont évolué, soit que l’apprentissage à 16 ans ou 17 ans apparaisse désormais comme trop dur, soit que la motivation financière ait baissé d’intensité ;

• Une origine sociale souvent moins favorisée en voie professionnelle qu’en voie générale ou que dans l’enseignement supérieur. Des données chiffrées étayent cette explication : les enfants de cadres, d’enseignants et de parents exerçant des professions libérales qui constituent un peu plus de 30 % des effectifs des lycées généraux et technologiques et environ 35 % des établissements de l’enseignement supérieur, ne représentent que 7 % des élèves en baccalauréat professionnel et 4 % des élèves en CAP ; les enfants d’ouvriers forment un tiers des effectifs de la voie professionnelle, contre seulement 19 % de la voie générale et technologique et 12 % de l’enseignement supérieur ; les enfants d’inactifs (principalement personnes en recherche d’emploi) constituent moins de 7 % des effectifs de la voie générale et technologique contre 16 % de ceux des CAP et 29 % de ceux du baccalauréat professionnel.

b/ Les limites des dispositifs d’orientation et de réorientation vers l’apprentissage. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes déclarent que des marges de progrès concernant l’orientation à la fin de la classe de troisième restent à faire malgré une amélioration récente de l’image de l’apprentissage et le foisonnement des sources d’information. Sur ce dernier point, elles considèrent que cette information du grand public sur l’apprentissage, foisonnante sur internet, ne permet pourtant pas toujours d’en comprendre la nature, ni l’organisation et que la multiplicité d’intervenants est au détriment de l’efficacité du système. Elles relèvent les ambigüités de la réforme de 2018. Ainsi, elles font noter que la loi du 5 septembre 2018 a étendu la compétence des régions à l’orientation des publics scolaires et universitaires, tout en inscrivant l’intervention de cette compétence en complémentarité des actions de l’État. Elles signalent que les enquêtes régionales conduites par les juridictions financières ont montré que certaines régions (Normandie, Grand Est) se sont emparées avec volontarisme de cette nouvelle compétence à la différence d’autres régions moins actives, ce qui peut entraîner pour les jeunes des inégalités sur le territoire en matière d’aide à l’orientation. Elles font observer qu’en ce qui concerne spécifiquement les jeunes d’âge scolaire, la mission d’orientation, antérieurement du ressort de l’État, a été confiée aux régions mais les interlocuteurs de ces jeunes dépendent de l’État et les principales structures d’orientation continuent de dépendre de l’État. Selon elles, cette situation pourrait présenter certains risques : visibilité brouillée pour les jeunes et les familles ; baisse des moyens consacrés par l’État consacre à l’orientation sans possibilité pour les régions de fournir des services équivalents ; complexité de la coordination entre l’État et les régions, aux niveau national et local. Il est également évoqué la nécessité de favoriser des transitions entre voie scolaire et apprentissage. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes considèrent que le choix de l’apprentissage étant un choix exigeant pour les très jeunes, il convient, pour le promouvoir, de le rendre possible à n’importe quel moment de la scolarité, et de rendre l’éventuel changement d’orientation ou renoncement moins pénalisant. Elles s’interrogent sur l’opportunité que présentent les classes mixtes (ou « sections mixtes ») au sein des lycées professionnels accueillant des élèves sous statut scolaire et des apprentis. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes estiment que les efforts pour faciliter l’accès des jeunes décrocheurs à l’apprentissage sont à amplifier pour 2 raisons : faiblesse des taux de sortie en alternance pour les structures d’accompagnement des jeunes en difficulté, caractère décevant du 1er bilan des taux de sortie vers l’alternance des prépa-apprentissage.

c/ Un accompagnement au sein des CFA mais des taux de rupture de contrat encore importants. Cette question est abordée sous les 4 angles suivants : aide à la recherche d’un employeur qui est à développer – « La difficulté d’appariement entre le candidat à l’apprentissage et l’employeur est un des freins à l’apprentissage, pour les jeunes qui dépendent trop souvent de leur réseau familial et pour les employeurs qui ne savent pas à qui s’adresser. Cette difficulté est accrue pour les plus jeunes car leurs réseaux et en général leur accès à l’information sont plus limités que ceux des étudiants» ; accompagnement en cours de formation – absence de forme normée et obligatoire dans les CFA de l’accompagnement personnalisé dispensé dans les lycées, insuffisance du dispositif qualité de la formation pour contrôler la mise en œuvre par les CFA  des 3 nouvelles missions fixées par la loi en cette matière ; prévention et la gestion des ruptures de contrat d’apprentissage – près de 4 apprentis sur 10 de niveau 3 et près d’un apprenti sur 3 de niveau 4 connaît un échec grave en cours de formation ; les questions financières pour les familles – il est souligné que l’apprentissage est une source de revenus, puisque l’apprenti est rémunéré qui peut néanmoins engendrer des coûts (transport, hébergement, etc.) limitant l’attrait financier de ce mode de formation, que cette question est d’une sensibilité particulière pour les jeunes d’âge scolaire car leur rémunération est en général inférieure à celle des apprentis majeurs et que les conditions de transport entre leurs lieux de vie, de formation et d’exercice professionnel plus contraignantes et que la réforme de 2018 a entraîné une profonde modification du système  (suppression de la prise en charge au titre du fonds social apprentis et des transports,  selon les formations, disparition ou amoindrissement  de certaines aides au 1er équipement ou à la mobilité.

Quatre suggestions pour rapprocher la classe d’âge des 16-18 ans de l’apprentissage :

• Rationaliser les dispositifs d’information et d’orientation en tirant les conséquences de la réforme de 2018 donnant la compétence d’orientation aux régions et poursuivre la politique d’amélioration de l’image de la voie professionnelle et de l’apprentissage ;

• Renforcer l’accompagnement des parcours individuels des jeunes d’âge scolaire, avec une attention particulière pour les décrocheurs et un développement des passerelles entre apprentissage et autres voies de formation ;

• Faire davantage connaître l’apprentissage aux élèves des collèges de l’éducation prioritaire ;

• Continuer à développer l’offre de formation en alternance, avec une attention particulière portée à l’adéquation entre les propositions de contrats d’apprentissage pour les jeunes d’âge scolaire et leurs disponibilités et souhaits ;

S’assurer de la cohérence du nouveau dispositif d’aides aux familles d’apprentis, en particulier en matière de transport et d’hébergement, et de l’absence d’effet d’éviction provoqué par d’autres dispositifs (comme le contrat d’engagement jeune).

3. 2. Une inadéquation de l’offre de formation aux besoins des entreprises et des territoires. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes rappellent que la réforme de 2018 se fonde sur une politique de l’offre pour développer les formations en alternance tout en mettant ne place des mécanismes de régulation pour assurer l’adéquation de l’offre et la prise en compte des besoins des jeunes, des entreprises et des territoires. Ce qui soulève, selon elles, les 4 risques suivants :

• Émergence d’une nouvelle offre centrée sur les niveaux supérieurs et les formations tertiaires. Elles préconisent qu’il soit veillé à l’équilibre de l’offre au regard des besoins des entreprises et des territoires, et non uniquement au regard des souhaits des candidats à l’apprentissage sous peine que la réforme entraîne une évolution de l’offre principalement tirée par la demande des jeunes et l’intérêt économique des CFA. Elles font observer que ce faisant, on s’éloignerait de l’esprit de la réforme de 2018 qui a confié le pilotage de l’apprentissage aux branches professionnelles pour mieux répondre aux besoins du monde économique ;

• Insuffisante prise en compte des enjeux d’une offre équilibrée au regard des besoins du territoire. Il est constaté une absence d’incitation faite aux nouveaux CFA à répondre aux besoins insatisfaits des entreprises les plus dépendantes de cette voie de formation. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes estiment que « la mise en place d’une concertation régionale et le fléchage des fonds de l’enveloppe régionale apporteraient une solution pour assurer la couverture des coûts des formations nécessaires mais peu attractives, sans pour autant résoudre le problème du manque d’attractivité de ces métiers » ;

• Reconfiguration de l’offre publique de formation en apprentissage notamment dans l’enseignement supérieur qui conduit plus spécifiquement à prévoir les 2 mesures suivantes : sensibilisation des équipes pédagogiques aux questions de professionnalisation et d’insertion professionnelle et prise de conscience par les étudiants du caractère professionnalisant de leur formation. Un développement extrêmement précis du pilotage de l’apprentissage dans les établissements d’enseignement supérieur est fait. Il est noté la fragilité de l’amorce de recomposition de ce pilotage que les évolutions à la baisse en matière de niveaux de prise en charge peuvent affecter ;

• Absence de coordination des intervenants (certificateurs qualité, missions académiques de contrôle pédagogique des formations par apprentissage, MCPA, OPCO, services régionaux de contrôle, plateforme nationale des indicateurs de l’appariement InserJeunes, réalisé par la Dares et la Depp, organismes « maison ») en matière de contrôle. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes recommandent l’instauration d’un dialogue entre ces intervenants pour faciliter la mise en œuvre de leurs compétences respectives, éviter des contradictions et assurer un partage d’informations efficace et le bon usage de moyens réduits.

 

3. 3. Des acteurs mobilisés malgré l’absence de chef de file. Un risque central pour la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes : l’incomplétude de la gouvernance incomplète du système. Elles remarquent que par-delà la régulation financière assurée par France compétences, il y a un éclatement des acteurs. Elles observent en particulier :

• Qu’« au-delà de l’enregistrement et du contrôle assurés par l’État, la mise en œuvre concrète de la politique d’alternance, c’est-à-dire l’ouverture et la gestion des formations, est à la main des organismes de formation et des entreprises dans la mesure où elles peuvent ouvrir des CFA » et que « dans ce nouveau système » qu’elles qualifient de largement libéralisé, « l’État n’intervient pas directement. Il contrôle l’efficience de l’action des principaux acteurs par La formation en alternance» ;

• Que la gouvernance politique du système échappe largement à France compétences « – les choix stratégiques appartiennent en réalité à l’État et le pilotage de l’offre aux branches professionnelles ; elle ne dispose donc pas d’objectifs de développement à atteindre, ni quantitatifs, ni qualitatifs. Quant au pilotage de l’offre, les branches professionnelles ne sont pas encore réellement saisies, à ce stade, des outils mis à leur disposition. La discussion politique a lieu dans le cadre de la négociation paritaire et de la concertation entre la ministre chargée du travail et les partenaires sociaux, en dehors du conseil d’administration de France compétences. ».

Sur le point singulier des données, la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes relèvent que « Dans le cadre d’une politique finalement très décentralisée par la liberté de création des CFA, l’accès aux données et la diffusion de l’information statistique deviennent un enjeu clé ». Elles estiment que la nouvelle architecture de circulation des données fixée par la réforme de 2018 entraîne pour l’instant un recul de la connaissance locale de l’alternance, en particulier par les services déconcentrés de l’État et les régions, que certains sujets ne sont pas analysés par les différents acteurs – analyse du parcours complet d’un apprenti, incluant les taux de rupture de contrat ou les questions de réorientation, accès des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à l’apprentissage, problématiques de transport et d’hébergement. Elles suggèrent la mise en place d’un suivi fiable et performant au niveau local, assis sur l’ouverture large des données des systèmes d’informations.

3. 4. Une complexité administrative pour les principaux acteurs. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes constatent que la réforme de 2018 a représenté un défi majeur pour les opérateurs de compétences (OPCO) : restructuration du fait de la fusion des anciens organismes paritaires collecteurs (OPCA), absorption des directions régionales, attribution de la compétence du financement de l’apprentissage, absence de système d’information adapté notamment. Elles observent qu’il en a été de même pour les CFA : nécessité d’accompagner les entreprises qui les sollicitent pour remplir les contrats d’apprentissage ; passage à un système de facturation ; multiplicité des interlocuteurs financiers. La Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes estime que l’enjeu est l’accompagnement, l’harmonisation et l’uniformisation des procédures. Elles prennent note que des progrès significatifs sont attendus en 2022 en matière d’interopérabilité des systèmes d’information des CFA et des OPCO, pour faciliter le dépôt des contrats et la facturation.

 

4. Quelles sont les recommandations de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes ?

Les 10 recommandations de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes sont les suivantes :

1. Supprimer les exonérations spécifiques d’assiette de taxe d’apprentissage non justifiées et mettre fin au taux modéré en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, ministère chargé des comptes publics) ;

2. Définir une stratégie nationale de l’alternance identifiant les objectifs prioritaires de développement et en déduire la stratégie de financement correspondante (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, ministère chargé des comptes publics) ;

3. Redéfinir pour la rentrée 2022 les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage en :

• Définissant les niveaux recommandés par France compétences au plus près du coût de revient des diplômes ;

• Imposant aux branches professionnelles de justifier tout écart à ce niveau ;

• Modulant à la baisse les niveaux de prise en charge correspondant à la formation d’apprentis accueillis au sein d’établissements bénéficiant de financements publics ;

• Et proportionner le financement effectif des CFA à la durée de la formation et non à la durée du contrat d’apprentissage (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, France compétences) ;

4. Mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, ministère chargé des comptes publics) ;

5. Afin de favoriser les entrées en apprentissage des jeunes d’âge scolaire, adapter et développer les mesures qui leur sont destinées en matière d’information et d’orientation, d’accompagnement personnalisé et d’aides à la mobilité (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, régions) ;

6. Conforter le rôle des établissements scolaires dans l’appui à l’orientation vers l’apprentissage, en incitant les enseignants à développer des relations avec les chambres consulaires et les CFA et à faciliter la promotion des métiers dans les collèges, notamment dans les établissements classés en REP ou REP+ (ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, régions) ;

7. Charger les régions d’organiser une concertation annuelle avec les opérateurs de compétences et les branches professionnelles concernant :

• L’identification des filières de formation à soutenir par le biais de l’enveloppe régionale d’aménagement du territoire ;

• Le choix des projets d’investissement à cofinancer par les régions et les opérateurs de compétences (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, régions, opérateurs de compétences) ;

8. Ajuster les enveloppes régionales affectées à l’investissement en tenant compte de l’évolution des effectifs en apprentissage (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion) ;

9. Mettre en place un plan d’action pour assurer le contrôle de la qualité pédagogique des formations en apprentissage (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche) ;

10. Prévoir dans toutes les conventions liant l’État aux opérateurs de compétences des stipulations visant à uniformiser les procédures de gestion administrative et financière des contrats d’apprentissage, et à permettre l’interopérabilité avec les systèmes d’information des CFA (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, OPCO).

À noter : les réponses des administrations et organismes concernés

En annexe au rapport, sont publiées les réponses du directeur général de France compétences., de la présidente de l’opérateur de compétences ATLAS, de la présidente de l’opérateur de compétences Opco commerce, du président de l’opérateur de compétences des Entreprises de Proximité, du président de l’opérateur de compétences OCAPIAT, du président du conseil régional Grand Est et de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire. Il faut noter que Monsieur le président de l’opérateur de compétences Constructys est mentionné dans la liste des destinataires n’ayant pas répondu.