Trois questions à… Charles-Henri Montaut, président directeur général de la société coopérative UTB et président de la Fédération des SCOP du BTP
Trois questions à… Charles-Henri Montaut, président directeur général de la société coopérative UTB et président de la Fédération des SCOP du BTP
« Les entreprises SCOP sont aujourd’hui incroyablement modernes. »
Charles-Henri Montaut aborde les spécificités et les atouts de l’entreprise coopérative, à la fois chez UTB, et plus généralement dans le secteur de la construction, en précisant qu’elle constitue un cadre vertueux pour l’apprentissage. Egalement président de la Fédération nationale des Scop du BTP, depuis 2017, il évoque les principales actions menées, en particulier dans le domaine de la transmission d’entreprise.
• En quoi le fait d’être une entreprise coopérative est un atout ?
Depuis sa création en 1933, UTB est une SCOP. Sa forme coopérative nous confère la force d’une gouvernance fondée sur l’association des salariés, l’égalité entre associés et l’équité dans la répartition des bénéfices. Il faut un an d’ancienneté pour se porter candidat au statut associé. La dimension démocratique de la SCOP s’incarne lors de ses assemblées générales, où 382 salariés, sociétaires de l’entreprise, sont convoqués pour décider sur tous les sujets. Ce sont des votes à la majorité. Chaque associé a une voix. Comparé à une entreprise traditionnelle, c’est une différence majeure. On est loin de la caricature qu’on a tendance à faire des SCOP sur le thème “quand on achète une gomme, on se réunit et on vote ! “.
Ces entreprises sont aujourd’hui incroyablement modernes, avec un mode de fonctionnement basé sur une gouvernance partagée et un partage équitable des profits. Cela leur confère une grande capacité d’adaptation aux transformations et aux difficultés actuelles. Dans ce contexte de crise sanitaire, nous avons un dialogue social d’excellente qualité, très profond, continu, qui nous a permis de prendre des mesures lors du premier confinement au sujet notamment des congés et des RTT, afin d’être pleinement opérationnel pendant le second semestre 2020.
• Qu’est-ce qui vous guide dans cette politique très active en matière d’apprentissage ?
Nous avons sanctuarisé l’objectif d’avoir au moins 10 % de nos effectifs en apprentissage, que la période soit faste ou non. C’est environ deux fois la moyenne des entreprises de notre secteur. Au sein d’UTB, il y a vraiment une politique qui trouve sa source dans l’apprentissage. Le modèle économique de l’entreprise est fondé sur la volonté de faire progresser les individus et de maintenir un corps social traditionnel. Le premier élément de cette stratégie est l’apprentissage. Nos apprentis d’aujourd’hui sont les salariés de demain. Une grande partie de notre encadrement de chantier et de bureau est formée d’anciens apprentis de l’entreprise. Cette politique permet à l’entreprise de rester « jeune », avec une moyenne d’âge de 36 ans depuis vingt ans. Il y a également une dimension sociétale à laquelle nous sommes très attachés : sur les 120 apprentis que nous formons, nous en recrutons chaque année environ un tiers. Les autres se retrouvent sur le marché du travail, mais en étant bien formés à un métier, nous avons le sentiment qu’ils contribuent à l’excellence de notre secteur.
Les SCOP étant à la confluence entre le mouvement coopératif et celui du BTP, il y a toujours eu un fort attachement au compagnonnage, lié à ce désir de transmission du savoir des plus anciens vers les plus jeunes. Nos maîtres d’apprentissage sont eux-mêmes issus de la voie de l’apprentissage, ils en sont reconnaissants et ils sont fiers de transmettre leurs compétences. Compte tenu de nos implantations et de nos nombreux métiers, nous avons en permanence 250 chantiers en cours. Cette importance nous incite également à embaucher beaucoup d’apprentis.
• Quelles sont les actions menées par la Fédération des SCOP du BTP ?
La Fédération des SCOP du BTP représente environ 80 % des 600 SCOP du BTP. Nos mandataires participent activement à la gouvernance de nombreux CFA et d’organismes tels que le CCCA-BTP et Constructys… Nous intervenons aussi dans les CFA pour présenter aux apprenants, futurs entrepreneurs pour beaucoup, le modèle de l’entreprise coopérative. Nous incitons nos adhérents à embaucher davantage de contrats en alternance : le nombre d’apprentis au sein de la fédération varie entre 6 et 7 %, selon les années. C’est légèrement supérieur à la moyenne de notre secteur, mais nous souhaitons accentuer l’effort. Parmi nos priorités, il y a celle de promouvoir notre modèle comme une solution pertinente pour la transmission d’entreprise qui est insuffisamment utilisée. Cela est beaucoup lié à la méconnaissance des mécanismes qui permettent de transformer une société de droit commun en Scop.
Souvent, les dirigeants ont le sentiment qu’une telle transformation serait une forme de don de leur entreprise à leurs salariés. Or, ce n’est pas le cas : une transformation en Scop est d’abord un rachat classique qui permet au cédant de réaliser son patrimoine entrepreneurial. Une fois ce rachat effectué, c’est alors que la transformation a lieu en mobilisant le plus grand nombre possible de salariés. Les entreprises de BTP se prêtent formidablement bien au statut de Scop, car leurs effectifs sont habitués à assumer de lourdes responsabilités et à travailler en autonomie. Ils sont souvent aptes à relever le challenge d’assurer collectivement la pérennité de « leur boîte ». Nous menons également un travail sur l’inter-coopération, en mutualisant certains services comme les achats ou en proposant des offres communes sur certaines opérations.
>> Plus d’infos sur la Semaine de l’entreprise coopérative BTP
