« Tu peux choquer(1) Keni, vas-y, choque, choque ! ». Pour distinguer celui qui donne de la voix sur le ponton 7 du port de Kernével (Morbihan), il faut lever les yeux haut, très haut, à une vingtaine de mètres. Sous un ciel gris d’où tombe une pluie fine et serrée, une silhouette se détache. « C’est Thomas ! ». Perché au sommet du mât de Captain Alternance, Thomas Jourdren effectue les derniers réglages de la grand-voile sous le regard attentif et aiguisé de son père. Navigateur multi-récompensé, Bruno Jourdren partage conseils et recommandations, en familier de l’Atlantique et de toutes les coques.
L’équipage de Captain Alternance n’a eu que trois semaines pour se familiariser et prendre en main son nouveau bateau. Habitués des Class40, Keni Piperol et Thomas Jourdren doivent néanmoins apprivoiser un monocoque qui dispose de caractéristiques propres. « Sam Manuard a dessiné le 190, alors que nous avions choisi les équipes de Marc Lombard pour le 174. Chaque architecte naval conçoit son bateau selon un plan particulier », détaille Keni. Malgré un temps de préparation et d’adaptation restreint, le navigateur affiche une sage sérénité : « Les entraînements se sont bien passés, la Niji40 va nous donner l’occasion de prendre nos repères en situation de course. »
Propriété du chef d’entreprise et skipper Alexandre Le Gallais, le 190, le numéro que porte Captain Alternance, s’est déjà mesuré aux autres Class40, notamment lors de la transat Les Sables-Orta-Les Sables en 2023. « Nous avions un rapport particulier avec le 174, que nous avions imaginé et construit avec les équipes de Neo Sailing Technologies, relate Keni. Mais grâce à ce nouveau bateau, nous restons des coureurs au large en quête de performance. Il nous permet aussi de continuer à donner de la visibilité aux partenaires qui nous soutiennent, comme le CCCA-BTP.» Un constat que partage son co-skipper Thomas Jourdren : « Être sur les mers, nous confronter à d’autres équipages, c’est notre passion et notre métier. »
Après la Niji40, l’équipage du Captain Alternance se lancera en juin dans la transat Québec-Saint-Malo. « Le plateau sera plus relevé, note Thomas Jourdren qui se projette déjà. Nous devrons être encore plus affûtés pour être à la hauteur des autres équipes. » Ces compétitions à bord du 190 leur permettent de préparer sereinement les deux courses reines que sont la Jacques Vabre en 2025 et la Route du Rhum en 2026. « J’ai assisté il y a quelques jours à l’assemblée générale des Class40, précise Keni. La sélection sera encore plus drastique que les autres années. Nous cherchons donc à mettre toutes les chances de notre côté pour figurer aux meilleures places des courses qualificatives. » Si la construction d’un nouveau bateau au sein du chantier de Neo Sailing Technologies n’est pas encore actée, elle est dans l’esprit des deux skippers. « Un tel projet nécessite plusieurs mois entre sa préparation et sa réalisation. Il faut nécessairement anticiper », souligne Keni tout en observant le vent se lever. Les pieds sur terre et l’esprit déjà en mer.
(1) – Choquer : opération consistant à donner du mou à un cordage