Newsletter n° 20 – 17 mars 2023

[Club Tendances BTP] A la découverte de la prospective avec Philippe Dresto   

Le 7 février s’est tenu le premier café thématique du Club Tendances BTP. Le Club Tendances BTP rassemble les dirigeants d’organismes de formation du BTP et d’organisations professionnelles et leurs équipes ayant une appétence pour la veille, désireux d’échanger entre pairs sur des thématiques communes, et de faire progresser leurs pratiques de veille. 

Ce premier café thématique portait sur la prospective et était présenté par Philippe Dresto, Directeur prospective et marketing stratégique des Compagnons du Devoir à Paris.  

Pendant une heure, Philippe Dresto a proposé une initiation à la prospective, une approche structurante et impactante pour éclairer le futur et engager l’action 

« Le futur n’est pas écrit et il appartient à nous de le faire ». 

Un peu d’histoire…

Redoutant l’incertitude et le sentiment de ne pas être en maitrise de son environnement, l’Homme a toujours été préoccupé par l’avenir, mais trois grandes périodes peuvent être distinguées : 

• Dans l’antiquité, se sentant impuissant face à la Nature, l’Homme a cherché à utiliser les signes pour tenter de prédire l’avenir, via la divination, la cartomancie ou encore l’astrologie. 

• La dynamique s’inverse à la Renaissance. L’émergence des machines, des sciences modernes donnent à l’Homme un sentiment de toute-puissance et d’orgueil : c’est lui qui a le pouvoir sur la Nature.  

• Au 20ème siècle, l’Homme se rend compte que le futur est incertain. Il prend conscience que le monde va de plus en plus vite, et qu’il n’a pas de prise dessus. Cette ère de l’incertitude va donner naissance à la prospective.   

C’est en France qu’émerge ce concept dans les années 50, en réponse à la complexité du monde d’après-guerre, sous l’impulsion du philosophe et professeur Gaston Berger. Dans un monde incertain, qui s’accélère, les méthodes classiques d’aide à la décision ne suffisent plus. Il faut adopter une attitude prospective : voir loin, voir large, voir profond, et mettre l’homme au coeur du système. Ces composantes sont essentielles pour permettre une prise de risques en connaissance au profit de la communauté humaine. 

 La prospective se diffuse petit à petit dans les années 60 au sein d’organisations publiques et privées, et est intégrée à la construction des politiques publiques via deux institutions : le Commissariat Général du Plan (CGP) et la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR).  

Dans les années 70, la pratique gagne l’international, notamment les pays anglo-saxons, mais avec une approche différente fondée sur la technologie, le pré-casting et l’image du futur (futurologie).  

Ces différentes approches donnent naissance à deux grands concepts structurants : l’éthique (de l’action et du futur) et la responsabilité de précaution. En effet, l’homme étant au cœur du système, les futurs qu’il doit envisager ne doivent pas le mettre en danger.  

La prospective : imaginer collectivement les futurs possibles

Comment prendre des décisions aujourd’hui face à la complexité du monde dans lequel nous vivons ? C’est pour répondre à cette question que la prospective a vu le jour. Elle poursuit quatre grands objectifs : l’aide à la décision, l’orientation stratégique, la mobilisation et la transformation. La prospective est avant tout une activité collective, itérative et orientée vers l’action.   

Points de départ d’une démarche prospective : la conscience que le monde change, que la complexité du monde interfère dans notre quotidien, et que nos actes ont des conséquences. L’avenir ne peut être prédéterminé et par définition ne peut pas être connu. Philippe Dresto nous explique qu’il est préférable de voir cette indétermination non pas comme une fatalité, mais comme une chance. Cette incertitude nous oblige à nous poser des questions, et nous ouvre un champ de possibles. Pierre Massé, Commissaire au Plan, disait d’ailleurs : « L’imagination a ses limites. L’avenir est fait d’imaginable et d’inimaginable. ». L’avenir repose à la fois sur des tendances lourdes (les évolutions technologiques, la démographie, le prix de l’énergie…), et sur des signaux faibles ou graines de changement (émergence d’une nouvelle habitude de vie, d’une technologie mineure…).  

En synthèse, la prospective va faire appel à trois grands domaines sur lesquels le collectif va agir : 

• L’anticipation : que peut-il advenir ? 

• L’appropriation : qui sommes-nous et que devons-nous faire ? 

• La décision : que voulons-nous faire et comment allons-nous le faire ?   

Philippe Dresto a précisé qu’il existe deux grands risques quand on fait de la prospective : passer à côté de l’essentiel en ne cernant pas bien les enjeux clefs et avoir une organisation qui n’est pas capable de mettre en œuvre les actions 

Pour faire de la prospective, il faut cultiver quelques grands principes :  savoir prendre du recul par rapport aux évènements, et mettre fin au déterminisme. En termes de qualités humaines, la prospective nécessite de savoir faire preuve d’imagination pour complémenter la raison, mais aussi de savoir faire preuve d’indépendance, d’esprit d’équipe, d’enthousiasme, de courage et avoir un « fort sens humain ». 

La prospective chez les Compagnons du Devoir

Les Compagnons du Devoir publient chaque année cinq études stratégiques sur des thématiques différentes, telles que l’évolution d’un métier, le CFA en 2035, les évolutions des territoires, etc. Après avoir défini la thématique sur laquelle ils souhaitent réfléchir, les Compagnons du Devoir constituent un groupe de 10 à 15 personnes, aux profils hétérogènes (membres de l’organisation, industriels, journalistes, assureurs, experts…), qu’ils vont mobiliser suivant une méthodologie en cinq étapes :  

  1. Identifier avec le groupe les facteurs qui pourraient avoir des impacts forts sur le sujet, puis prioriser les 8 facteurs particulièrement impactants  
  2. Etudier ces sujets impactants et construire un dossier d’analyse prospectif (DAP). Cela consiste notamment à analyser ce qu’il s’est passé sur ces sujets au cours des 10 dernières années, et à identifier les tendances lourdes et germes de changement 
  3. Imaginer des hypothèses : que se passe-t-il si rien ne change ? Si telle ou telle rupture se produit ?  
  4. Scénariser : demander aux membres du groupe d’associer les hypothèses entre elles et de raconter une histoire  
  5. Choisir le scénario de référence. A partir des histoires proposées par les membres du groupe, et en s’appuyant sur des questionnaires pour interroger la filière, voter pour identifier le scénario de référence, puis proposer des pistes d’actions et des orientations stratégiques 

Ce processus itératif mobilise les participants entre 12 et 14 heures au total, réparties sur une période d’environ six mois.  

Réactions des participants

Les participants ont fait des retours très positifs sur la présentation de Philippe Dresto et ont trouvé particulièrement intéressante et structurante la méthode proposée. Franck Le Nuellec, qui a déjà eu l’occasion de participer à des ateliers de prospective avec Philippe, a souligné les trois éléments clés qu’il a pu noter : l’enrichissement collectif, la méthode qui nourrit le cheminement, et le recours à l’imagination.  Parmi les OFs participant à ce Café thématique, plusieurs ont mis en place des démarches d’analyse prospective. Cette rencontre a donc permis de confronter les méthodes et d’échanger sur les bonnes pratiques ou difficultés rencontrées par chacun.  

Nous remercions encore une fois Philippe pour son retour d’expérience sur ce sujet passionnant et primordial dans nos métiers et dans la veille. 

Si vous souhaitez en savoir plus sur le Club Tendances BTP, n’hésitez pas à contacter Maryse Degouge, Analyste Veille Stratégique au CCCA-BTP.

Vous êtes intéressé ? Besoin de plus d’information ? Contactez-nous :

Maryse DEGOUGE, Analyste veille stratégique : maryse.degouge@ccca-btp.fr 

 

Je m’abonne pour recevoir la newsletter​ Tendances BTP