Newsletter n° 22 – 26 mai 2023

[Club Tendances BTP] L’accompagnement des apprenants, avec Alexandre Van Ausloos

Le 2 mai dernier, la communauté de veille interne-externe du CCCA-BTP, le Club Tendances BTP, s’est réunie pour un nouveau Café thématique centré sur l’accompagnement des apprenants.

Animé par Alexandre Van Ausloos, Adjoint technique-Délégué pédagogique à la Fédération Régionale des MFR (Maisons Familiales Rurales) Auvergne-Rhône-Alpes, a tout d’abord questionné les représentations des participants sur le terme « accompagnement », a partagé des références théoriques et a organisé un temps d’échange et de partage de pratiques entre les membres.

L’accompagnement : de quoi parle-t-on ?

Autour d’un tableau collaboratif, chaque membre de la communauté a été invité à mettre des mots sur ce que représente pour lui l’accompagnement. Voici leurs propositions :

Pour amorcer la discussion, Alexandre Van Ausloos a rappelé l’étymologie du mot. Accompagner est composé de :

• « ac »: indiquant le rapprochement, la  proximité, la direction, le but ;

• « compagnon »: avec le pain (cum panis, dans l’idée de partager le pain)

Accompagner c’est « aller avec », « être à côté », « compagnonner ». Il s’agit dans ce rôle d’aider, de guider, tout en donnant de la place à l’autre et en n’agissant ni ne décidant à sa place.

Ce terme émerge fortement dans les années 1960-1970. Il complète le mot « aider » utilisé surtout dans le domaine du bénévolat. Ainsi, l’accompagnement correspond à un usage plutôt professionnel en lien notamment avec le besoin d’accompagnement social de l’époque puis il se diffuse dans les différentes sphères professionnelles comme une composante de la relation.

Les références théoriques pour donner du sens au mot accompagnement

Au fil des années, plusieurs experts se sont penchés sur la notion d’accompagnement. Ainsi, Maela PAUL (docteure en sciences de l’éducation), explique le sens du mot accompagner dans son ouvrage L’accompagnement, une posture professionnelle spécifique, 2004.

Accompagner, c’est « cheminer » ensemble dans la direction souhaitée par l’autre, en délibération et respect de son projet et en gardant toujours à l’esprit l’autonomisation de la personne. Cela suppose d’instiller une certaine réflexivité.

Il s’agit d’une pratique singulière, créative, itérative, dialogique, relationnelle et réflexive qui se base sur trois grands principes :

• Principe de relation et d’identité : « Se joindre à… » ;

• Principe dynamique de transformation: … pour aller où il va… » ;

• Principe d’altérité/symétrie et dissymétrie: « …en même temps que lui ».

D’autres chercheurs, sociologues, psychologues ou experts ont apporté des regards complémentaires sur l’accompagnement.

• Selon Walter Hesbeen (docteur en santé publique de l’Université catholique de Louvain), il s’agit d’une posture du « prendre soin » avec une attention au « care », au « corps sujet » et à « la personne » ;

• Pour Carl Rogers (psychosociologue américain), il s’agit d’une « relation d’aide », impliquant respect, écoute active, empathie et congruence.

Quelles sont les fonctions et les modalités de l’accompagnement ?

Les 3 fonctions de l’accompagnement sont :

• Guider ;

• Escorter;

• Conduire.

André Chauvet (conférencier spécialiste en accompagnement des publics) explique en 2015 que  « accompagner, c’est permettre à chaque personne de trouver des ressources en elle et dans l’environnement, lui permettant de faire des choix éclairés et de conduire ses projets et sa vie autour des idées et valeurs auxquelles elle tient. »

Cette citation peut être croisée avec  :

• Amartya Sen (économiste et philosophe spécialiste des théories du choix social), qui exprime le besoin de repérer les capabilités: la capacité de donner l’accès à des libertés réelles, de donner des leviers pour s’élever et se développer ;

… Au service du pouvoir d’agir, selon Yann le Bossé, Professeur au département des fondements et pratiques en éducation de l’Université Laval.

 

Pour accompagner, selon Philippe Labbé (ethnologue et sociologue à l’université de Rennes), 6 modalités/leviers sont nécessaires:

  1. Disposer d’au moins un référent;
  2. Qualifier le projet selon 3 cas (hors-projet, sans projet, avec projet) ;
  3. Organiser un entretien individuel pour comprendre et co-construire par verbalisation ;
  4. Etablir un contrat entre l’apprenant et l’accompagnateur ;
  5. Donner des apports instrumentaux (temps, espaces, outils) ;
  6. Mobiliser les capitaux de la personne (capital économique, culturel, social, symbolique, mobilité).

L’accompagnement est finalement paradoxal selon Jean-Pierre Boutinet (psychosociologue) : nous avons toujours besoin d’être accompagné mais l’accompagnement doit être transitoire, il s’agit d’un rôle d’autonomisation et de prise en compte et non de prise en charge, et enfin il faut savoir accepter notre impouvoir d’agir.

Une discussion entre membres du Club

Afin de susciter des discussions, Alexandre explicite comment organiser et mettre en œuvre une stratégie d’accompagnement et met en avant quelques enjeux actuels individuels et collectifs :

• Le handicap;

• La persévérance (ruptures et abandons) ;

• L’individualisation des parcours.

Cette intervention a suscité de nombreux compléments et retours d’expérience.

• André Jorquera, Chargé de projets développement des parcours et orientation au CCCA-BTP, nous explique le travail réalisé, au sein du Laboratoire « Psychologie de la Socialisation, Développement et Travail » de l’université de Toulouse Jean Jaurès, sur les abandons et les ruptures. Le secteur du BTP est un secteur où l’accompagnement est significatif et permet d’éviter les abandons de formations.  Les CFA et psychologues ont mis en place des groupes de parole pour appliquer la posture collaborative que propose Jean-Pierre Boutinet, ont découvert que le passage du collège au chantier n’était pas chose aisée et ont travaillé sur la capacité d’expression des jeunes.
Il relève aussi les phénomènes d’inter-structurations entre les différentes sphères (personnelles, études, professionnelles, etc.).

• Philippe Dresto, Directeur prospective et marketing stratégique chez les Compagnons du Devoir et du Tour de France, explique l’importance de faire changer les pratiques et les postures, accentue l’importance des apprentissages collaboratifs et de la prise en compte du socle culturel.

• Agnès Guillaume, Adjoint Technique au Centre Gustave Eiffel, nous partage les démarches visant à cibler les jeunes en difficulté, sociale, psychologique. Elle relève les fractures familiales, les problèmes financiers et de logement qui peuvent conduire à l’abandon ainsi que la nécessité de s’appuyer sur un réseau de professionnels: psychologues, assistances sociales – dans son cas l’APAS-BTP (l’Association Paritaire d’Action Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics de la Région Parisienne) et de penser une relation tripartite entre centre de formation – entreprises – APAS.
De nombreuses aides peuvent ainsi être apportées : sur la prise en main du projet, sur la prévention et gestion du budget, sur la citoyenneté.

Le mot de la fin portait sur la nécessité de travailler avec le jeune en mettant en avant que « si le jeune n’est pas d’accord, on ne peut rien faire ».

Vous êtes intéressé ? Besoin de plus d’information ? Contactez-nous :

Alexandre VAN AUSLOOS, Adjoint technique-Délégué pédagogique à la Fédération Régionale des MFR (Maisons Familiales Rurales) Auvergne-Rhône-Alpes

Maryse DEGOUGE, Analyste Chargée de veille, maryse.degouge@ccca-btp.fr

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