Newsletter n° 14 – 16 septembre 2022

Expédition apprenante à Montréal
La construction au Québec, tout un programme 

Du mercredi 6 juillet au vendredi 8 juillet 2022, WinLab’, l’incubateur du CCCA-BTP, proposait sa première Learning Expedition (LEX) à Montréal. Au travers des visites et rencontres avec les entreprises locales, les participants ont pu découvrir les spécificités du secteur de la construction au Québec.  

LE SECTEUR - L’industrie de la construction confrontée à une pénurie de main d’œuvre

La construction est un secteur important au Québec. S’il compte plus de 190 000 travailleurs actifs, appelés à se déplacer sur tout le territoire de la province, il est aussi l’un des secteurs qui souffrent le plus d’un manque de main d’œuvre. Selon les informations transmises par la Chambre de Commerce et d’Industrie française au Canada, il manque aujourd’hui près d’un million de personnes au Canada, tous secteurs d’activité confondus, dont 100 000 au Québec. Cette pénurie est notamment liée à une faible natalité et des barrières à l’immigration. 

Face à ce constat, le Québec met en œuvre plusieurs mesures pour développer l’attractivité du secteur de la construction : 

Œuvrer à la formation et au recrutement de plus de femmes dans les métiers, notamment via des actions de sensibilisation des employeurs, des incitatifs financiers, ou encore des assouplissements de la réglementation pour la délivrance des certificats de compétence (ACQ). Fin 2021, la part des femmes actives dans le secteur de la construction était de 3,3%, en forte progression (1361 femmes de plus qu’en 2020) (CCQ). 

Assouplir la politique d’immigration pour former et insérer plus de travailleurs qualifiés issus de l’immigration (Courrier International). 

• Règlementer les salaires pour offrir aux travailleurs du secteur de la construction des conditions très attractives, parmi les plus avantageuses au Canada tous secteurs confondus. L’employeur a ainsi l’obligation de payer ses salariés selon les conventions collectives en vigueur. Ainsi, un apprenti charpentier-menuisier touchera à l’issue de son cursus de formation un salaire horaire de 23,12 $ (17,6 €), puis 38,54 $ (29,4 €) lorsqu’il est certifié Compagnon. L’attractivité de ces rémunérations sont un atout pour attirer les jeunes vers ce secteur.

LES METIERS -Travailler dans la construction, un parcours réglementé

Le secteur de la construction québécois est réglementé par trois organismes principaux : la Commission de la construction du Québec (CCQ), la Régie du Bâtiment du Québec et la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. La CCQ est notamment responsable de l’application de la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (Loi R-20) qui encadre cette industrie. 

Il existe au Québec 26 métiers de la construction définis par règlement, qui demandent un processus d’apprentissage déterminé.  

Pour devenir apprenti, un étudiant devra avoir suivi un programme de formation initiale à un métier du BTP d’environ 900 heures à l’issue duquel il sera diplômé afin de pouvoir exercer. La totalité de la formation se déroule au sein d’un établissement. S’il le souhaite, à l’issue de sa formation, l’étudiant peut ajouter un module de spécialisation dans un domaine précis. L’étudiant ne touche aucune rémunération pendant sa formation et, jusqu’en 2021, il n’avait pas le droit de travailler en dehors de ses heures de formation dans une entreprise de la construction.  

Une fois l’apprentissage complété et l’examen réussi, l’étudiant obtient un certificat de compétence apprenti (CCA) en présentant ses preuves d’études ainsi qu’une garantie d’emploi d’au moins 150 heures provenant d’un employeur enregistré à la CCQ. A noter : les femmes n’ont pas besoin de garantie d’emploi (CCQ). Il devient donc apprenti 1ère année et commence à travailler.  

Parmi les éléments qui ont surpris les participants à la LEX se trouve l’obligation pour un jeune apprenti d’adhérer à un syndicat dès son entrée dans le secteur. Il existe au Québec cinq associations syndicales reconnues par la loi R-20. Le travailleur doit choisir l’association syndicale à laquelle il désire adhérer, et a la possibilité d’en changer tous les quatre ans. C’est d’ailleurs le syndicat qui, à la fin des études, place l’apprenant sur les chantiers et lui permet d’atteindre les 150 heures de pratique requises pour être certifié.  

Pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre, le Québec offre la possibilité à des salariés non-qualifiés d’être recrutés par des entreprises du BTP, de travailler sur leurs chantiers et d’apprendre les gestes-métier sur le terrain. Ces personnes ont cependant l’obligation de suivre des cours théoriques dans un établissement agréé pendant l’hiver pour conserver leur certificat. Bien que cela ressemble à notre système de formation en alternance, il n’en est rien. Ces travailleurs sont sélectionnés après s’être inscrits dans des bassins de candidatures limités en fonction de métiers et de zones géographiques précises. Leur salaire devra rester inférieur à celui d’un jeune apprenti ayant accompli son cursus de formation en école.  

LA FORMATION - L’alternance fait son entrée dans la construction

Au regard de la formation aux métiers de la construction, l’un des principaux points de différence entre la France et le Québec est l’inexistence de la formation en alternance, pour deux raisons principales. D’une part, il est difficilement envisageable pour une compagnie que le salarié ne soit pas présent à 100% en entreprise, car les aléas climatiques et les hivers rigoureux restreignent souvent les périodes de pleine activité. D’autre part, pour des raisons d’assurance, cette modalité de formation ne pouvait jusqu’à récemment pas être proposée. En effet, tout travailleur salarié qui intervient sur en chantier doit être assuré, ce qui ne peut pas être le cas d’un étudiant. Toutefois, depuis le 26 avril 2021, de nouvelles mesures ont été adoptées par le CCQ pour contrer la pénurie de main-d’œuvre. Parmi elles se trouve la possibilité de délivrer un certificat de compétence apprenti aux étudiants en cours d’obtention d’un diplôme d’études professionnelles. La délivrance de ce certificat autorise les centres de formation professionnels à proposer une formation d’alternance travail-études (ACQconstruire). Celle-ci permet aux élèves en formation d’accéder aux chantiers durant leur parcours scolaire, notamment pendant la période estivale.  

L’Ecole des Métiers de la Construction de Montréal (EMCM), qui a accueilli les participants de la LEX, propose ainsi depuis l’été 2022 des parcours en option alternance travail-études. Elle comprend des stages rémunérés sur des chantiers au cours de la formation. Pour éviter qu’ils ne soient considérés comme du « travail au rabais », ces stages sont rémunérés à concurrence de ce que recevrait un apprenti 1ère année en entreprise.  L’École est responsable de l’enseignement en chantier : l’enseignant accompagne les élèves et s’assure que les étudiants ont acquis les compétences du programme d’études qui sont uniquement enseignées durant cette période de stage. 

Zoom : L’Ecole des Métiers de la Construction de Montréal

L’EMCM accueille près de 1500 apprenants chaque année, âgés de 16 à 65 ans, dont beaucoup de jeunes en réorientation. Elle forme à 17 des 26 métiers de la construction : 30% de l’enseignement est théorique, les 70% restants pratiques. Les matières “académiques” (français, mathématiques, langues…) ne sont pas enseignées sauf si elles s’appliquent au métier. Pour l’Ecole, les principaux enjeux sont d’être agile pour s’adapter aux besoins de main d’œuvre du secteur, et innovant pour être au plus proche de la réalité terrain. Le travail d’équipe, la responsabilisation et le respect font partie des valeurs soutenues par l’établissement. La formation est gratuite pour les apprenants. L’Ecole est rémunérée par l’Education Nationale lorsqu’un élève se présente à l’examen, peu importe s’il le réussit ou non. En moyenne, le financement s’établit à 12 000 dollars pour 900 heures d’enseignement.

Pour en savoir plus : Ecole des Métiers de la Construction de Montréal 

Le mois prochain, retrouvez le 2ème article de la LEX WinLab, consacré à l’innovation au Québec  

Photos : Emmanuel Romanet 

Vous êtes intéressé ? Besoin de plus d’information ? Contactez-nous :

Maryse DEGOUGE, Analyste Veille stratégique : maryse.degouge@ccca-btp.fr

Olivier CENILLE, Responsable du Développement des Partenariats WinLab’: olivier.cenille@ccca-btp.fr 

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