Newsletter n° 26 – 15 décembre 2023

La rénovation énergétique des bâtiments : quels besoins de main-d’œuvre en 2030 ? 

 

La transition énergétique représente un enjeu majeur du 21e siècle, et le secteur de la construction et de la rénovation énergétique joue un rôle central dans cette transformation. Pour atteindre les objectifs ambitieux de réduction des émissions de carbone et d’amélioration de l’efficacité énergétique, il est impératif de s’attaquer au défi crucial des besoins en main-d’œuvre d’ici 2030. Deux études de France Stratégie et de la DARES offrent des recommandations pour relever ce défi et façonner un avenir plus durable.

Des investissements de l’ordre de 20 à 30 milliards d’euros annuels devront être mobilisés pour mener à bien les objectifs. Cependant, cet effort financier ne sera pas suffisant sans la disponibilité d’entreprises et d’effectifs qualifiés dans le BTP. La main-d’œuvre dans le secteur est déjà frappée par de fortes difficultés de recrutement. L’étude estime qu’il faudra créer 170 000 à 250 000 emplois supplémentaires d’ici 2030 dans la rénovation énergétique des bâtiments. La localisation de la main-d’œuvre est un autre défi, elle n’est pas toujours située dans les régions où la rénovation des bâtiments est le plus nécessaire. 

Les besoins en emploi peuvent être ventilés par département en fonction des objectifs de rénovation énergétique envisagés, en prenant en compte les disparités territoriales. Ils devraient être plus élevés dans les territoires où sont concentrés les logements les plus énergivores et les modes de chauffage les plus carbonés.

Des déséquilibres potentiels entre besoins de recrutement et disponibilité de la main-d’œuvre

Si l’évolution des métiers du bâtiment reflète l’engagement requis pour la transition écologique, les besoins en recrutement vont excéder largement le nombre de nouveaux emplois créés. Dans un marché du travail vieillissant, les départs en fin de carrière des dernières générations du baby-boom devraient représenter sept postes à pourvoir sur dix au cours de la décennie actuelle (et près de neuf postes sur dix pour l’ensemble des métiers du BTP). Par conséquent, de nombreux postes devront être pourvus, en particulier parmi les ouvriers qualifiés du bâtiment, dont l’âge moyen est plus élevé que la moyenne. 

Au total, si les nouveaux entrants sur le marché du travail sont moins nombreux, 220 000 postes ne seraient pas spontanément pourvus par les jeunes débutants, soit plus d’un poste sur dix en France. 

Les recommandations :

L’étude identifie également sept recommandations pour répondre aux besoins de main-d’œuvre en 2030. Les défis de la rénovation énergétique ne se limitent pas à la transformation des bâtiments, mais incluent également la transformation de la main-d’œuvre. 

L’offre limitée d’entreprises labellisées pourrait contraindre la réalisation de travaux avec une efficacité énergétique performante. En effet, actuellement seulement 62 000 entreprises du bâtiment sont RGE selon l’ADEME (dont 43 000 sur le champ de la rénovation énergétique). La première recommandation de l’étude met l’accent sur l’importance de développer davantage d’entreprises capables d’effectuer des rénovations énergétiques performantes. Cela implique de soutenir les entreprises existantes, de faciliter l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché et de garantir la qualité des travaux réalisés. Assurer une plus grande qualité dans la performance des travaux nécessite un renforcement des contrôles mais aussi un dialogue inter-administrations sur les résultats de ces contrôles (attribution du label RGE etc.). 

La deuxième recommandation met l’accent sur la nécessité de soutenir les entreprises du secteur dans leur montée en compétences. Les entreprises du bâtiment doivent être accompagnées pour développer les compétences de leurs salariés, s’adapter aux innovations et aux normes environnementales, et proposer des services de rénovation énergétique. Cela passe par des dispositifs d’accompagnement, des formations adaptées, et des incitations financières pour les entreprises qui investissent dans leur montée en compétences.  

Accroître le vivier de recrutement dans ces métiers implique d’agir conjointement sur l’ouverture de places de formation et sur l’amélioration des conditions de travail. La troisième recommandation souligne l’importance de la formation initiale pour les métiers de la rénovation énergétique. Il est essentiel de former les jeunes aux compétences nécessaires pour répondre à la demande croissante de rénovations performantes. Cela peut se faire par le biais de l’apprentissage, de l’enseignement professionnel, des lycées techniques, et de partenariats avec les entreprises du secteur. La formation initiale doit être en phase avec les besoins du marché du travail et les évolutions technologiques. Afin de réduire les départs précoces de la formation et compte tenu des départs pour raisons de santé fréquents après 51 ans au cours de la carrière, il est essentiel de prévenir l’épuisement professionnel dès l’entrée en poste des jeunes. 

La quatrième recommandation met l’accent sur la diversification des canaux de recrutement pour les métiers de la rénovation énergétique. Les transitions professionnelles, y compris celles des travailleurs demandeurs d’emploi, doivent être facilitées. Les métiers du bâtiment peuvent offrir des opportunités pour le retour à l’emploi. De plus, les professionnels du secteur peuvent évoluer vers des postes de conception, d’encadrement, ou de formation pour aménager leur fin de carrière. Il est également recommandé de créer des passerelles entre les métiers de la rénovation, de l’industrie et du commerce. En 2020 et 2021, environ 38 000 individus ont été pris en charge pour leur formation dans le cadre d’un projet de transition professionnelle (PTP). Parmi eux, 4 200 ont choisi de se réorienter vers des métiers liés à la rénovation, en provenance principalement des secteurs du transport et de la logistique, du commerce, des services à la collectivité et de l’industrie. 

La cinquième recommandation souligne la nécessité de renforcer l’offre de formation continue pour les métiers de la rénovation énergétique. Avec l’émergence de nouveaux métiers, tels que le coordinateur de travaux de rénovation énergétique, et la montée en compétences requise, la formation continue est essentielle. Cela nécessite des certifications professionnelles adaptées, des formations courtes pour les professionnels en emploi, et des formations longues pour ceux en réorientation. Les référentiels professionnels et de certification doivent être adaptés pour inclure des compétences liées à la rénovation énergétique. 

L’ensemble des CAP du bâtiment ont été réécrits entre 2017 et 2021 pour y introduire des enjeux environnementaux généralistes, mais sans intégrer de contenu spécifique à la rénovation énergétique des bâtiments. La sixième recommandation préconise d’amplifier les actions de rénovation des diplômes, aussi bien pour la formation initiale que continue. Il est essentiel d’intégrer systématiquement de nouveaux blocs de compétences dans toutes les certifications menant aux métiers de la rénovation énergétique. Cela favorise la montée en compétences des professionnels du secteur. Cela permettra d’explorer la possibilité de pluri-qualification pour favoriser l’émergence de profils poly-compétents. 

Selon Christelle Soulard, responsable du pôle Certifications au sein du CCCA-BTP : « Il n’y a pas de critères d’évaluation en rapport avec la rénovation énergétique des bâtiments dans les faits. Pour que les gens soient vraiment formés à la rénovation énergétique des bâtiments, ce serait bien d’inclure ces critères dans les référentiels d’évaluation. » 

Schéma 3 - Les nouvelles compétences liées à la rénovation globale et performante

La septième recommandation propose de soutenir le recours à la formation continue professionnelle au sein des entreprises du bâtiment. La montée en compétences des travailleurs est un défi ancien : le programme FEEbat est actif depuis 2007, et nécessite une politique de formation professionnelle continue à l’échelle des branches professionnelles. Un dialogue social interbranches est essentiel pour définir une réponse adaptée aux besoins de formation anticipés et réviser les diplômes et certifications. D’après l’étude, près d’un quart (24 %) des formations continues financées par Constructys portaient spécifiquement sur les pompes à chaleur en 2021. Ainsi, c’est pour répondre à la massification des gestes de rénovation aidés que la demande de formations continues courtes a explosé. La formation non réglementaire reste aujourd’hui peu mobilisée par les entreprises hormis pour répondre aux besoins du marché. 

La question de la formation continue des artisans se pose également. Des études mettent en évidence les obstacles auxquels ils font face pour réaliser des rénovations énergétiques de haute qualité, notamment en raison de l’évolution rapide des techniques et des produits, du besoin constant de mettre à jour leurs compétences, et des multiples changements dans la réglementation. Afin de répondre efficacement à ces défis, il est impératif d’ajuster à la fois le contenu et les modalités de formation pour qu’ils correspondent aux attentes et aux contraintes spécifiques auxquelles sont confrontés les artisans. 

Conclusion

Pour réussir la planification de la décarbonation du secteur du bâtiment d’ici 2030, il est impératif d’agir dès aujourd’hui. Les recommandations émises par l’étude de France Stratégie offrent un cadre pour préparer le secteur de la construction et de la rénovation énergétique aux défis de demain. Cela nécessite une collaboration étroite entre les pouvoirs publics, les organismes de formation et les entreprises pour former une main-d’œuvre qualifiée et compétente.

La montée en compétences des travailleurs existants, ainsi que la formation de la prochaine génération de professionnels, sont essentielles pour garantir le succès de la transition énergétique en France. La rénovation énergétique est un investissement dans l’avenir, créant des emplois, réduisant les émissions de carbone, et améliorant la qualité de vie des citoyens. 

Vous êtes intéressé ? Besoin de plus d’informations ? Contactez-nous :

Yavuz ELVERDI, chargé d’études :  yavuz.elverdi@ccca-btp.fr

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