Quand les apprentis du BTP CFA de Toulon rencontrent le célèbre architecte Rudy Ricciotti

Le mercredi 9 novembre, l’architecte Rudy Ricciotti, célèbre notamment pour les réalisations du MUCEM à Marseille, ou encore du stade Jean Bouin à Paris, est intervenu auprès des apprentis du BTP CFA de Toulon. Pendant près de deux heures, l’architecte a délivré un message d’espoir et de confiance, sans déroger de son franc-parler légendaire qui a su captiver les jeunes. Retour sur cette rencontre.

Les coulisses de la rencontre

C’est une belle histoire d’effet papillon… lors d’une réunion de l’équipe « veille », il était évoqué la possibilité d’interviewer des personnalités en rapport avec notre public. Anne a prononcé machinalement un nom, « Ricciotti », Maryse a immédiatement trouvé le contact et reçu une réponse positive de son agence.

En échangeant sur la personnalité du Maître, l’idée de remplacer la classique interview par une intervention en chair et en os devant les apprentis s’est rapidement imposée. Il fallait tenter le coup, et ça a marché !

L’agence Ricciotti étant implantée à Bandol, nous devions trouver un établissement à proximité et le choix s’est naturellement porté sur le CFA de Toulon, dont le personnel et les jeunes paraissaient très motivés par cette perspective. Il restait un mois à l’équipe pour préparer l’évènement : étude des réalisations de l’architecte, visionnage de documentaires, préparation des questions, et confection en atelier de quelques surprises pour remercier.

A son arrivée, il a tout de suite annoncé la couleur : s’il est ici à titre gracieux (contrairement à ses interventions dans les grandes écoles ou universités américaines) c’est qu’il a à cœur d’échanger avec les apprentis, notamment les maçons, et les encourager dans la voie qu’ils ont choisie. Rudy Ricciotti rejoint alors la cinquantaine d’apprentis (toutes filières), les formateurs et membres de l’équipe dirigeante, pour faire passer quelques messages clés.

Valoriser les apprentis : “être maçon est une noblesse extrême”

S’il n’y avait qu’un message à retenir de la conférence, ce serait celui-ci : les apprentis du bâtiment ont un avenir radieux devant eux, à condition de saisir ce destin. Le plein emploi dans le btp offre toutes les chances aux jeunes de réussir, en se battant “par la cervelle, le coeur et le ventre”, autrement dit par la pensée, avec courage et générosité. Rudy Ricciotti a tenu à rappeler que ce sont des métiers de noblesse : “moi, architecte, je ne pourrais rien faire sans vous. Un architecte, c’est que du violon. Nous avons besoin des mains des autres”.

Pour réussir, les apprentis ont toutes les ressources nécessaires. En travaillant dur, en apprenant auprès de leur employeur pendant quelques années ils pourront alors se mettre à leur compte, et auront ainsi l’opportunité de “prendre le pouvoir”… et se remplir les poches. Mais pour cela, “il faut se lever le matin pour aller sur les chantiers, être capable de travailler pour un patron, savoir respecter les délais sans jamais perdre l’objectif de qualité de production”.

Source photo : Rihab BELGHITH

Le bâtiment, une chance pour tous

“Le bâtiment est un territoire qui permet aux fils de France d’avoir un destin, un avenir”. Rudy Ricciotti l’a rappelé, le bâtiment est un territoire d’inclusion, qui offre sa chance à tout le monde. “Dans le bâtiment, on est des frères d’armes. Il y a toutes les cultures, races, religions et pratiques sociales”.

Aux témoignages de certains apprentis sur la difficulté à faire face aux obstacles quand on a des origines étrangères, Rudy Ricciotti a partagé sa propre expérience : fils de maçon d’origine italienne, il se dépeint comme un jeune cancre, passant son temps libre à courir sur les chantiers, sauter au-dessus des fondations et autres ouvrages en cours de réalisation. Avec un niveau « bac » il rentre dans une école d’ingénieurs en Suisse, dans laquelle il se sent mal intégré, différent, “parce que j’avais l’accent du sud, une gueule de rital, de gitan”. Isolé, cette solitude a généré de l’anxiété qui ne l’a jamais quitté, mais qui s’est révélée à terme être une chance, le poussant à se surpasser et devenir l’architecte (doublé de l’ingénieur) qu’il est aujourd’hui.

Déclaration de guerre contre les opposants au béton

Le « béton » est dépeint aujourd’hui comme responsable de tous les maux, générateur d’un maximum de CO2 etc… Fervent défenseur de ce matériau, Rudy Ricciotti s’élève contre les idées reçues et c’est en spécialiste qu’il rappelle que le maudit béton a bien évolué depuis les années 50. Fini le ciment Portland, aujourd’hui le béton bas carbone réduit considérablement son impact environnemental. Il souligne également que le béton est une production locale, génératrice d’emplois sur le territoire, qui ne nécessite pas d’importer des produits venant de l’autre côté de la planète. Cette notion de territoire est au cœur des valeurs de l’architecte : pour ses constructions, Rudy Ricciotti “ne veut que du matériel fabriqué en France, à partir de ressources françaises”. Interrogé sur sa règle d’or en conception, la réponse de Rudy Ricciotti vient appuyer ce propos “je n’ai pas de règle d’or en conception, mais mon honneur et ma discipline sont de faire en sorte que ce que je dessine fasse appel à un maximum de main d’œuvre territoriale. Ma règle d’or, c’est que ça vous donne du boulot”.

“Parfois je me dis : jusqu’où je peux aller” ?

Interrogé par les apprentis sur sa particularité en tant qu’architecte, Rudy Ricciotti a mis en avant sa soif d’expérimenter et de pousser toujours plus loin ses réalisations : “j’ai mis ma paranoïa au service d’une prise de pouvoir sur la matière”. L’architecte ne se met aucune limite lorsqu’il dessine ses futures réalisations : “c’est de la folie de se dire, si je dessine quelque chose, est ce qu’on va pouvoir le faire ?”. Seule règle, ne pas mettre en danger les maçons. “C’est à l’architecte de se mettre en danger”.

Une rencontre inspirante pour les apprentis, comme pour le corps enseignant

“Il nous met à l’aise directement”, “il nous a motivés”, “on a retenu qu’on peut commencer bas et finir au sommet”, “ça se voit qu’il donne de l’importance aux gens comme nous, qu’il aime le contact avec les gens qui travaillent de leurs mains”.

Voici quelques-unes des impressions des apprentis à l’issue de la rencontre avec Rudy Ricciotti. Une rencontre qui les a motivés, inspirés, et dont ils se souviendront longtemps, ne serait-ce que grâce aux selfies qu’ils ont pu faire avec l’architecte.

A l’issue de la conférence, Rudy Ricciotti a aussi donné du temps à l’équipe pédagogique, saluant le rôle primordial qu’elle joue aujourd’hui auprès des jeunes. Si apprentis et équipe encadrante ont été marqués par la rencontre, on a pu constater l’émotion de Rudy Ricciotti face aux jeunes, ce qui semble témoigner que l’architecte lui aussi a été touché par l’échange. D’où peut-être cette proposition au moment de partir “pourquoi ne pas venir dans quelques années rencontrer d’autres jeunes”.

Pour en savoir plus :

Témoignages des apprentis

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Anne ROSSNER, chargée de projets CFA de demain : anne.rossner@ccca-btp.fr

Maryse DEGOUGE, analyste veille stratégique : maryse.degouge@ccca-btp.fr

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