Newsletter n° 2 – 20 avril 2021

Regards d’experts sur les offres de formation à réinventer dans les métiers du BTP en pleine mutation

Dans le secteur du BTP, avec de nombreuses transformations à l’œuvre, comment les organismes de formation aux métiers du BTP doivent-ils repenser leur offre ?  Alexandre Docteur, spécialiste des méthodes de « Lean Construction » et Zoubeir Lafhaj, titulaire de la Chaire « Construction 4.0 », suggèrent plusieurs pistes pour favoriser une transition pertinente et innovante de la filière.

Pourquoi les organismes de formation (OF) devraient adapter leur offre de formations aux métiers du BTP au regard des innovations technologiques dans la construction ?

Alexandre Docteur : Le secteur du BTP souffre encore d’un déficit d’image, qui entraîne des difficultés dans les recrutements et pénalise l’attrait des métiers, alors que les techniques et les technologies utilisées, ainsi que les conditions d’exercice des métiers ont considérablement évolué, tout comme la santé et sécurité au travail, qui sont une priorité des professionnels.

 Il faut redonner de la valeur à notre travail et s’adresser aux futurs apprenants en mettant en avant le sens de nos métiers : venez construire les écoles de demain ; rénover les hôpitaux qui vont sauver des centaines de vies ; créer des habitats respectueux de l’environnement. Ce sont ces valeurs qu’il faut véhiculer afin d’attirer les jeunes aux métiers du BTP

L’organisme de formation de demain sera un lieu d’excellence et d’innovation, où les rythmes d’alternance seront repensés avec plus de travaux en mode « projet » et de place au e-learning pour que les élèves puissent apprendre à leurs rythmes.

Que doivent anticiper les OF pour développer plus de formations répondant aux enjeux de la transition écologique et numérique ?

Alexandre Docteur : Il est très probable que demain une entreprise ou un secteur d’activité polluant aura des difficultés à recruter. Les OF doivent placer la culture de l’amélioration continue au centre de la politique éducative. Ce sont les futurs apprenants qui seront les décideurs de demain et qui vont bousculer et changer les codes. Leurs préoccupations doivent nous permettre d’adapter les parcours de formation disponibles. Par exemple, la construction bois prend de plus en plus de place par rapport à la construction traditionnelle.  La construction hors-site, l’industrialisation de la construction et la démarche Lean Construction – c’est-à-dire proposer des modules simples sur la réflexion, l’innovation, la remise en question de son travail et de ses habitudes, l’organisation, l’anticipation – sont encore trop absentes des OF alors qu’elles se déploient de plus en plus dans les écoles d’ingénieurs. À mon sens, un apprenti dans un OF, est tout à fait capable de rivaliser avec un élève ingénieur en matière d’innovation. 

Zoubeir Lafhaj : Si on prend conscience que dans le futur, chaque individu changera treize fois de métier dans sa vie et que 60% des métiers du futur n’existent pas encore aujourd’hui, la formation passe par une meilleure analyse des enjeux dans toutes les disciplines en amenant l’apprenti à « visualiser » la qualité, en lui proposant de réfléchir par lui-même et en groupe sur l’amélioration continue de la qualité.

À quels métiers les OF doivent-ils former pour adapter les compétences attendues dans l’écoconstruction, la rénovation énergétique de bâtiments ou de constructions neuves ?

Alexandre Docteur : Faire du numérique pour du numérique ne sert à rien. Il faut relier le besoin d’innovation avec une problématique réelle provenant des artisans/compagnons sur le terrain. Nous manquons actuellement de centres d’innovation dédiés au secteur de la construction.

 Je milite plutôt pour l’ajout de blocs de formation dédiés à la prise en charge d’une problématique venant d’un acteur local (artisan, groupe de construction, maitrise d’ouvrage) mettant en situation réelle les apprenants sur la recherche de solutions innovantes.

Zoubeir Lafhaj : Cinq familles de métiers constituent les besoins importants du futur à savoir, la maintenance, le management, le Big Data, la construction et la logistique. Tous exigeront des connaissances dans la construction mais aussi dans la numérisation, l’utilisation de logiciels, la gestion des données. La transition de la construction traditionnelle vers la construction écologique, durable et bas-carbone passe par une refonte des techniques, du management des projets et des productions, et par la structuration des entreprises de construction.

Une augmentation des compétences techniques est nécessaire pour permettre d’une part le déploiement des méthodes de construction intelligente à tous les stades du cycle de vie d’un projet (lancement du projet, livraison de la conception et exploitation), et d’autre part un développement des compétences de collaboration nécessaires pour rendre les individus capables de travailler efficacement au sein d’équipes pour planifier, communiquer et réaliser des projets de construction intelligente à l’aide de moyens numériques.

Que devrait faire un organisme de formation aux métiers du BTP pour être attractif et innovant ?

Alexandre Docteur : Les organismes de formation aux métiers du BTP doivent se positionner comme les centres névralgiques de l’innovation dans le BTP en France. C’est-à-dire développer une culture de l’innovation forte et centrer le système éducatif sur la méthodologie PDCA (amélioration continue). La communication de ce changement de paradigme devra être digitale et directe (via une communication percutante). 

Zoubeir Lafhaj : Les OF peuvent acquérir eux-mêmes une meilleure connaissance des enjeux à long terme et réfléchir à l’amélioration ou la reformulation de leurs programmes de formation en introduisant des modules en matière de compétences de collaboration.

Biographie des auteurs :

Pr. Dr. Zoubeir Lafhaj est Professeur des universités à Centrale Lille, et titulaire de la chaire « Construction 4.0 », une chaire de recherche industrielle qui traite des défis de la modernisation de l’industrie de la construction en France et en Europe. Il a récemment publié cinq livres en français sur les défis de la construction, plus de 150 articles scientifiques, supervisé 31 thèses de doctorat et 15 chercheurs postdoctoraux.

Alexandre Docteur a commencé son parcours professionnel par un diplôme très formateur : un CAP monteur en installations sanitaires. Ensuite, il gravit tous les échelons pour décrocher son Master 2 dans le domaine de l’énergie. Il a acquis les bases du Lean Management en Allemagne, dans la construction navale. Il occupe depuis deux ans le poste de chef de projet en Lean Construction et apporte tout son dynamisme et sa positivité dans la transformation du monde du BTP. Son leitmotiv : apporter de la sérénité sur les projets de construction.

Pour en savoir plus, Contactez-nous :

• Boubacar DIALLO : b.diallo@ccca-btp.fr

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