Newsletter n° 25 – 24 novembre 2023

Un voyage apprenant à la découverte des espaces de formation  

À mesure que la société évolue et que de nouvelles technologies se démocratisent, les espaces de formation subissent une transformation constante. Marie-Christine Llorca, Docteur en Sciences de l’Éducation et experte en design des espaces d’apprentissage, s’est lancée dans un « tour du monde des espaces de formation » pour mieux comprendre ces évolutions. Découvrons quelques enseignements tirés de ce voyage d’apprentissage. 

Un voyage d'apprentissage, dans quel but ?

De septembre 2022 à mai 2023, Marie-Christine Llorca s’est aventurée à l’étranger pour entreprendre un « tour du monde des innovations pédagogiques ». Son objectif ? Explorer et s’inspirer de pratiques différentes, plonger profondément dans ces environnements et revenir avec des idées novatrices. Ce périple a conduit Marie-Christine Llorca à travers divers pays en Europe, au Canada, en Nouvelle-Calédonie, en Australie et au Groenland. Le thème central de son voyage était axé sur les espaces actifs d’apprentissage, avec un partage continu de ses découvertes via un blog pour permettre à d’autres de vivre son aventure à distance. 

Quelles découvertes ?

Au cours de ses périples, Marie-Christine Llorca a noté diverses innovations et particularités dans les espaces d’apprentissage, influencées par les cultures locales. Dans certains pays, l‘intégration des espaces d’apprentissage dans leur environnement et leur culture environnementale est cruciale. Les bâtiments sont conçus pour refléter l’histoire du site et créer une identité propre. Dès le début du projet, élèves, enseignants et utilisateurs sont impliqués dans la conception du bâtiment en collaboration avec les architectes. L’architecture des espaces de formation met en avant la biophilie, avec des espaces vitrés qui laissent entrer la lumière, des plantes omniprésentes, l’utilisation de bois pour créer une ambiance chaleureuse, et une attention particulière portée à l’acoustique et à l’isolation phonique. 

À l’intérieur des bâtiments, les espaces sont repensés pour devenir polyvalents. Les cafétérias deviennent des espaces de travail en groupe en dehors des repas, et les espaces extérieurs, tels que les toits et les balcons, sont également réinventés pour servir d’espaces de formation. Ces espaces peuvent être utilisés librement, avec ou sans la présence d’un professeur, en fonction des objectifs pédagogiques. Pour que cela fonctionne, des formations à l’autonomie, à l’auto-régulation et au travail en groupe sont intégrées dans l’enseignement. Dans certains pays, cet apprentissage de l’autonomie commence dès le plus jeune âge. 

Des « zones » spécifiques sont créées pour répondre aux besoins des utilisateurs, telles que le concept « Rosan Bosch », qui découpe les espaces pédagogiques en cinq situations d’enseignement : 

  • le « feu de camp » pour les petits groupes d’apprentissage, 
  • le « forum » pour les présentations et les performances, 
  • le « point d’eau » pour les rencontres occasionnelles de courte durée, 
  • le « laboratoire » pour les activités en mouvement, la fabrication, la manipulation et l’expérimentation, 
  • le « nid » pour le travail individuel et l’isolement. 

Dans les salles de classe, certains établissements adoptent le concept de « flexible seating » (sièges flexibles), offrant aux élèves une variété de sièges en fonction de leurs préférences (chaises, fauteuils, poufs, etc.). 

Alors que certains établissements créent des espaces pédagogiques dédiés aux diverses situations d’enseignement de manière permanente, d’autres préfèrent offrir la possibilité de personnaliser et de moduler les salles en fonction des besoins. Pour faciliter l’adaptation des espaces en fonction des objectifs pédagogiques, certains établissements utilisent du mobilier flexible, déplaçable en fonction des besoins. Par exemple, certaines écoles adoptent le « Zap totem », un meuble conçu pour le travail autonome, permettant de fixer des tablettes à différentes hauteurs de chaque côté pour faciliter le travail individuel et en groupe.

Dans ces espaces modulables, des techniques de « nudge » sont utilisées pour encourager les élèves à adopter des comportements appropriés vis-à-vis de l’espace, par exemple en utilisant des affiches pour montrer comment remettre la salle en ordre après utilisation.

Enfin, pour répondre à la montée des formations hybrides, certains établissements se dotent de salles dédiées à l’enseignement à distance, créant ainsi des « bulles numériques » pour permettre aux formateurs de dispenser des cours en présentiel et à distance dans des espaces spécialement conçus et équipés pour la multimodalité.

Et en France ?

Alors que par le passé, l’évolution de la société et des technologies a joué un rôle prépondérant dans la transformation des environnements d’apprentissage, il est maintenant indéniable que le changement climatique et la nécessité de repenser les méthodes de construction deviennent des moteurs de changement significatifs dans l’architecture scolaire. Comme en témoigne un article paru dans Le Monde le 12 octobre, les écoles en France commencent timidement à s’adapter aux défis du réchauffement climatique. Cette adaptation se traduit notamment par une augmentation de la végétalisation, la mutualisation des espaces scolaires en dehors des heures de classe, et la promotion de la circulation fluide et de l’appropriation des espaces d’apprentissage.

Quels enseignements pour nos CFA ?

Deux questions d’importance ont été soulevées par Mme Llorca : « Comment apprend-on ? » et « Comment faire apprendre ? ». Considérer la disposition des salles et des ateliers en prenant en compte la gestion des flux semble être une piste d’étude pertinente.

L’idée d’externaliser des espaces de formation, par exemple en utilisant des escaliers comme amphithéâtres ou des cafétérias polyvalentes, peut être bénéfique dans le contexte des grandes écoles ou des facultés. Cependant, elle nécessite un changement significatif de paradigme et l’adaptation des individus à la notion de partage de l’espace, un concept qui n’est pas encore largement adopté.

Dans le cadre de la réflexion sur ce sujet, il pourrait être opportun de revoir la conception des salles de technologie et d’enseignement général afin de promouvoir les interactions entre les apprenants et les formateurs, en envisageant l’intégration de solutions numériques d’apprentissage lorsque cela est possible.

En ce qui concerne les ateliers, de nombreux CFA et OFA rencontrent des problèmes liés à l’espace, qu’il s’agisse d’un manque d’espace ou d’une surabondance d’espace. Dans ce contexte, il est essentiel que la position du formateur soit centrale, lui permettant d’avoir une vue complète de l’activité des apprenants et de faciliter l’interaction avec eux.

En somme, l’aménagement de l’espace est une question complexe, dépendant à la fois de la société et des individus qui le mettent en place. Il existe de nombreuses idées constructives, mais aussi des approches moins efficaces. C’est pourquoi il est essentiel de garder à l’esprit qu’un espace qui convient à une personne peut ne pas convenir à une autre.

 

Pour en savoir plus :

Innover en formation avec les multimodalités, Marie-Christine Llorca, avril 2022 : https://www.esf-scienceshumaines.fr/apprendre-a-former/404-innover-en-formation-avec-les-multimodalites.html

AGO Formation Innovante, voyages apprenants en terres pédagogiques inconnues : https://miles.ago-formation.fr/cest-quoi-un-voyage-apprenant-comment-ca-nous-transforme-comment-on-transforme-un-peu-le-monde/

Vous êtes intéressé ? Besoin de plus d’information ? Contactez-nous :

Maryse DEGOUGE, analyste chargée de veille, maryse.degouge@ccca-btp.fr

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