« Bien dans ta peau, bien dans ton poste » : de la santé au quotidien à la prévention en entreprise

Le caractère sportif du terme « échauffement » peut rebuter certains professionnels du BTP. De cette réflexion prend naissance les notions de préparation à l’effort. Cependant, il est compliqué d’associer effort et situation de travail, la prévention professionnelle visant à réduire les risques et par ruissèlement les efforts consentis à une tâche professionnelle, il serait ici plus raisonnable de parler de « préparation à la pratique professionnelle ». La démocratisation de l’échauffement dans le domaine professionnel semble éculée, cela fait un certain temps que les entreprises TP ainsi que de grosses structures proposent une mise en action avant la prise de poste. On peut légitimement se demander si l’échauffement présente encore un réel intérêt ? 

Actuellement, aucune étude scientifique n’est en mesure de corréler l’échauffement à la diminution des accidents de travail et des maladies professionnelles (comme les troubles musculosquelettiques (TMS) par exemple qui représentent 90% des maladies professionnelles (MP) dans le BTP). Néanmoins, dans le sport, aucun pratiquant ne s’engagerait sans se préparer. Dans la vie quotidienne, n’attendons-nous pas trois heures après le repas pour aller nager ? Le conducteur d’engin TP ne fait -il pas chauffer sa tractopelle avant de commencer à travailler ? Dans ce cas précis, pourquoi le corps serait-il moins important que la machine ? Ce questionnement met en évidence la nécessité à minima de réunir les salariés contraints à une exigence physique ou mentale dès la prise de poste. Elle peut s’étendre à un concept de pause active et pourquoi pas un retour au calme en fin de journée. 

La pérennité de ces pratiques sur chantier ne peut que nous encourager à croire en leur utilité. Utilité dans un ensemble d’actions cadrant un parcours prévention visant à réduire les arrêts de travail (AT) et maladies professionnelles (MP), et utilité dans la cohésion de l’équipe par la rencontre et l’échange entre salariés. Il est nécessaire toutefois de relativiser ces échauffements. Critiqués dans le domaine sportif dans les années 2000 (COMETTI 2003 et DELAS 2004) l’échauffement se résume en deux objectifs principaux : éviter les blessures et être plus performant. Dans le cas de la prévention en entreprise, il faut se dégager de la notion de performance. L’échauffement ne doit pas satisfaire des désirs d’augmentation de productivité mais bien s’organiser pour réduire les contraintes liées aux tâches à réaliser. Il doit permettre à chacun, en fonction de son engagement moteur et émotionnel, de se préparer et de se prémunir par quelques gestes aux exigences physiques et mentales des situations professionnelles quotidiennes. A l’opposé du sport de haut niveau qui se consacre à la préparation spécifique à un type d’effort, la préparation à la pratique professionnelle peut/doit s’organiser sur 3 paramètres : 

1. L’individu : c’est l’acteur principal, il doit être au cœur de cette préparation de manière individualisée. Il faut tenir compte de son vécu, ses aptitudes, ses limites physiques et son engagement à la réalisation des activités… 
2. L’environnement extérieur : il faut également s’adapter en fonction des contraintes de l’environnement extérieur comme la météo, le type de chantier (escaliers / dénivelé) le temps de trajet… 
3. La tâche à réaliser : c’est le point de différenciation par rapport à l’échauffement sportif. Le principal avantage de la préparation à la pratique professionnelle est la possibilité de choisir et d’adapter la première situation de travail à réaliser même si cela demande un temps de réflexion et de planification. Marcher jusqu’au lieu de prise de poste, réaliser des ports de charges légers, éviter les mouvements brusques… sont des possibilités pour favoriser une mise en action cardio-musculaire. 

Il est évident que ce type de pratique ne peut passer que par l’intégration du processus, la connaissance des contraintes professionnelles et l’individualisation de la pratique. Cela nécessite la formation et l’accompagnement en interne ou le recours à des intervenants spécifiques. La possibilité d’agir à la fois sur l’individu mais également sur l’organisation des situations de travail permet de développer une approche souple et individualisée. Pour résumer, l’échauffement se concentre sur l’individu par rapport à la réalisation d’une tâche définie et incompressible quand la préparation à l’activité professionnelle organise l’environnement global en corrélation avec les capacités et l’engagement de l’individu. 

Même si l’absence de résultats scientifiquement prouvés ne permet pas d’assoir l’importance de l’impact de la préparation spécifique à l’activité physique professionnelle dans la diminution des pathologies du BTP, cela reste une pratique culturelle couramment exécutée au quotidien. Si l’entreprise (ou dans notre cas l’organisme de formation en apprentissage) se donne les moyens de proposer des préparations spécifiques, en lien avec le métier, et de former du personnel impliqué dans la prévention, alors la santé et la prévention pourront devenir un incontournable. Une réalisation quotidienne permettra aux apprentis de développer de nouvelles compétences dans ces domaines et au CFA de valoriser et communiquer sur son attachement à la santé et sécurité de ses apprentis.